[PP-discussions] Culture du viol : non, Flavie Flament ne s'est pas "fait violer"!
Erwan Legrand
partipirate at erwan.legrand.name
Mer 26 Oct 01:43:04 CEST 2016
Pour revenir au sujet initial et pour être honnête, je ne trouve pas
l'article très bon. Je le trouve même assez mauvais.
« "Flavie Flament s'est fait violer" titrent bon nombre de magazines.
Cette forme grammaticale active sous-entend une volonté du sujet. »
C'est un point de vue d'intello. Le fait est que si la formule est une
forme active en bon français, il s'agit d'une forme passive en
français courant, celui qui est parlé par tout le monde en dehors des
élites. Le français utilisé dans la presse et en particulier dans les
magazines est de plus en plus bas étage. Ça n'est pas nécessairement
une mauvaise chose : ce français là est plus accessible au gens
"normaux".
Bref, lorsqu'une personne dit « Je me suis pratiquement fait rouler
dessus par une voiture », elle ne sous-entend pas qu'elle est habitée
de pensées suicidaires. Ce qu'elle dit signifie simplement « J'ai
failli être renversé par une automobile ».
De même on de façon courante « mon agression », « mon agresseur », «
mon accident », « mon chauffard », « ma maladie », « mon rhume », «
mes microbes », etc.. Je ne vois donc rien de suspect à ce qu'on parle
de « son viol » ou de « son violeur ».
La tendance de certains féminismes à disséquer des formes
grammaticales ou à vouloir « dégenrer » le français me parait au mieux
une distraction au pire une perte de temps. (Même si, sur le fond, je
comprends.) De même pour l'histoire de coudes de Tuxun. J'aime autant
qu'une copine de me dise que quelque chose lui « pète les couilles »,
même si de fait elle n'en a pas. (Oui, j'ai des copines qui disent ce
genre de chose.)
Mais ce coupage de cheveux en quatre, ou « enculage de mouches » comme
dirait la même copine, n'est pas ce qui me dérange le plus dans cet
article. Ce qui me dérange le plus, c'est la phrase qui suit :
« Cela illustre parfaitement la façon dont les victimes de viol
doivent toute leur vie porter les stigmates et les conséquences du
viol –alors que les violeurs coulent des jours heureux. »
Ce préjugé selon lequel une victime de viol devrait être
définitivement traumatisée, devrait se sentir salie jusqu'à la fin de
ses jours, bref qu'il vaudrait peut-être mieux être tuée que violée,
me met en rogne et cela plus encore lorsqu'il est répété par des
personnes qui prétendent prendre la défense des victimes.
Si ma mémoire ne me joue pas de tour, lorsque la victime d'un viol est
une femme, les chances qu'elle soit traumatisée sont d'une sur deux.
Lorsque la victime est un homme, elles ne sont plus que d'une sur
quatre. En ce qui me concerne, je vois un coupable idéal, probable
responsable de cet état de fait : le puritanisme qui valorise la
virginité et l'exclusivité sexuelle, particulièrement chez les femmes.
D'ailleurs, je ne serais pas étonné si cette obsession de la virginité
expliquait en partie le goût que les violeurs semblent avoir pour les
mineures.
La formule ci-dessus est d'autant plus navrante que l'auteure
mentionne « King Kong théorie », ouvrage de Virginie Despentes dont je
recommande la lecture. Or dans son livre, Virginie Despentes, qui
s'applique à dynamiter de nombreux préjugés, nous apprend qu'elle et
une autre auto-stoppeuse ont été violé par les hommes qui les avaient
fait monter dans leur voiture. Elle a continué a faire de l'auto-stop
malgré cette mésaventure. Elle ne dit pas seulement que « Pour elle,
les violeurs gagnent si les femmes s'extraient elles-mêmes, par peur,
de l'espace public. Elle revendique le droit de prendre le risque
d'être violée, en résumé très résumé. », soit que ce déplacer sans la
protection d'un homme est à la fois une liberté et un risque (la
liberté a un prix), elle montre aussi par l'exemple que le traumatisme
n'est pas une fatalité.
Bref, cette journaliste ferait bien selon moi de relire attentivement
Despentes et de jeter le plus gros de son article à la poubelle.
Une dernière chose m'intéresse dans ce texte : « Les réminiscences de
ce viol, survenues alors qu'elle est au sommet professionnel, ont eu
un impact direct sur sa carrière. » Je me demande ce qui a provoqué
ces réminiscences et cela me fait penser que j'ai oublié d'autres
coupables idéals : le Freudisme et différentes thérapies qui s'en
inspirent. L'idée selon laquelle si l'on va mal aujourd'hui c'est à
cause d'un traumatisme ancien oublié (et ayant probablement trait au
sexe) est extrêmement nuisible. Cela conduit à ressasser des
événements pénibles que l'on avait réussis à repasser et pire encore,
chez certaines personnes cela conduit à l'apparition de faux souvenirs
traumatiques : en prétendant les aider on construit des victimes ! Il
y a d'ailleurs eu des scandales aux USA lorsque des personnes ont été
poursuivies sur la base de ces faux souvenirs. Il me semble que le
chanteur Axl Rose est un cas célèbre de personne s'étant « souvenu
d'un viol traumatisant » au cours d'une thérapie. Le problème des
personnes vraiment traumatisées, c'est que leur esprit est en
permanence occupé par les souvenir traumatiques. Elles ne peuvent pas
oublier : Tout le contraire de la théorie freudienne ! (cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Trouble_de_stress_post-traumatique)
Pour conclure, je connais un petit nombre de femmes qui m'ont révélé
avoir été victime d'agressions sexuelles et j'ai moi même, bien
qu'étant un homme, subi des agressions de ce type. Si ce genre
d'expérience est bien entendu pénible, je ne crois pas qu'aucun de
nous ne soit traumatisé. Je ne trouve aucun intérêt aux vierges.
J'aime les salopes et je trouve légitime qu'une femme ait de nombreux
partenaires sexuels si c'est ce qui lui convient. Je ne crois pas
qu'une femme violée soit « salie » ou qu'elle doive nécessairement
être traumatisée. Et je crois que c'est important de le dire.
Erwan
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