[PP-discussions] Comment le monde actuel a privatisé le silence
Erwan Legrand
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Jeu 10 Mar 11:40:21 CET 2016
2016-03-09 13:08 GMT+01:00 Frédéric Lecointre <frederic.lecointre at burnweb.net>:
> J'ai passé une grande partie de mon temps en voyage, dans les salles
> d'attente d'aéroports, et j'ai été frappé de voir combien notre espace
> public est colonisé par des technologies qui visent à capter notre
> attention. Dans les aéroports, il y a des écrans de pub partout, des
> haut-parleurs crachent de la musique en permanence. Même les plateaux
> gris sur lesquels le voyageur doit placer son bagage à main pour passer
> aux rayons X sont désormais recouverts de publicités... »
Le constat est vrai et il n'a d'ailleurs rien d'original. Mais tout de
même, les aéroports ne sont pas "notre espace publique", à moins que
le "nous" n'inclue que quelques privilégiés qui prennent régulièrement
l'avion. Il aurait été plus pertinent à mon humble avis de se référer
à l'environnement urbain ou aux lieux travail (bureau individuel
contre large espace peuplé...)
> Le voyageur en classe affaires dispose d'une échappatoire : il peut se
> réfugier dans les salons privés qui lui sont réservés. « On y propose de
> jouir du silence comme d'un produit de luxe. Dans le salon "affaires" de
> Charles-de-Gaulle, pas de télévision, pas de publicité sur les murs,
> alors que dans le reste de l'aéroport règne la cacophonie habituelle. Il
> m'est venu cette terrifiante image d'un monde divisé en deux : d'un
> côté, ceux qui ont droit au silence et à la concentration, qui créent et
> bénéficient de la reconnaissance de leurs métiers ; de l'autre, ceux qui
> sont condamnés au bruit et subissent, sans en avoir conscience, les
> créations publicitaires inventées par ceux-là mêmes qui ont bénéficié du
> silence...
(Cela m'amuse, je trouve une certaine ressemblance - pour ne pas dire
une ressemblance certaine - entre certains philosophes et certains
publicitaires.)
Lorsqu'on prétend diviser le monde en deux, la bonne habitude à
prendre est de rechercher ce qui n'appartient à aucune des deux
catégories. Est-ce qu'ici on sous entend que personne ne choisit de
subir la publicité pour obtenir un service gratuit ? Ou que personne
ne subit diverses sources de distraction tout en étant conscient des
effets négatifs ? Le monde serait il divisé entre homme d'affaires
d'un côté et demeurés de l'autre ?
> On a beaucoup parlé du déclin de la classe moyenne au cours des
> dernières décennies ; la concentration croissante de la richesse aux
> mains d'une élite toujours plus exclusive a sans doute quelque chose à
> voir avec notre tolérance à l'égard de l'exploitation de plus en plus
> agressive de nos ressources attentionnelles collectives. »"
En l'état, c'est une hypothèse (ou une croyance), pas une conséquence
logique de faits établis et il me parait difficile de la tester pour
vérifier si elle résiste à l'épreuve des faits.
De nombreux philosophes accordent trop d'importance aux philosophes.
Je ne suis pas convaincu qu'il soit pertinent de blâmer Descartes ou
Kant.
L'urbanisation me semble être un contributeur important à
l'augmentation du volume d'informations que chacun doit traiter. Et
nous sommes une partie du problème : nous avons accès à une multitude
de moyens d'obtenir une satisfaction immédiate. Il est tellement
facile d'allumer la télé, d'aller sur Facebook, d'allumer son
smartphone, de fumer un joint, de boire une verre ou que sais-je
encore. La distraction ne vient pas seulement de stimulus produits par
notre environnement. En somme, nous avons (aussi) des problèmes de
riches : nous ne sommes pas adaptés à une telle abondance.
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