[PP-discussions] pp...) ...was :
Garreau, Alexandre
galex-713+pirate at galex-713.eu
Dim 2 Nov 21:08:07 CET 2014
Le 02/11/2014 à 20h10, Nicolas Petitdemange a écrit :
> Le 02/11/2014 18:31, Garreau, Alexandre a écrit :
>> Le 02/11/2014 à 16h13, Nicolas Petitdemange a écrit :
>>> Ensuite, je vais venir avec mon regard de béotien d'un monde sans
>>> argent. J'avoue que je n'arrive pas à imaginer COMMENT on va vivre sans
>>> (argent ou trop hein, là-dessus je suis d'accord, c'est pareil).
>
>> C’est normal, vu l’éducation et le bourrage de crânes de nos jours, et
>> le capitalisme qui tente de tout rendre dépendant de l’argent et de
>> faire passer la moindre interaction par l’argent, il est tout à fait
>> normal de ne plus voir comment la société marche sans argent. C’est la
>> plus grande force du capitalisme.
>
> Je ne suis pas totalement d'accord, mais je comprends ton point de
> vue. Pour en revenir à l'exemple, j'ai chez moi une chaudière bois
> (type "pellets", pour le confort d'utilisation). Des collègues m’ont
> demandé quand cette chaudière serait rentable (soit quand j'aurais
> résorbé le surcout par rapport à une chaudière Fioul bas de
> gamme). J'ai répondu que je ne voyais pas l'utilité de faire le
> calcul, que je n'avais pas pris cette chaudière pour gagner de
> l'argent, mais pour utiliser une ressource renouvelable avec le
> confort d'une chaudière fioul. Je ne vois donc pas l'argent partout ;)
Oh oui, on a toujours quelques personnes qui sont pas complètement
lobotomisées ^^ Et c’est justement génial, parce que le système
d’embrigadement ne fonctionne donc jamais correctement :)
>>> Je m'explique, et je ne critique pas le fond hein, je précise.
>>>
>>> J'ai 32 ans. J'ai deux enfants, je suis marié et j'ai une maison (et une
>>> voiture). J'ai un travail et ma femme aussi. En vous lisant, j'ai un peu
>>> l'impression d'être l'ennemi. Ou d'être l'idiot qui n'a pas compris la
>>> vie. Que mon mode de vie est "mal", que je refuserais d'affronter la
>>> liberté.
>>>
>>> Attention, je précise bien que c'est mon ressenti, ce n'est pas ce que
>>> vous dites, mais ce que je RESSENS !
>
>> Oui je vois tout à fait :) Le fait à comprendre est que ce mode de vie
>> est hautement encouragé et valorisé par le système actuel. Déjà que dans
>> un tel système on a souvent pas le choix de devoir travaillé, et il est
>> important de comprendre qu’il est inutile et même contreproductif de
>> culpabiliser ceux qui se retrouvent dans ces conditions. On voit
>> d’ailleurs souvent des marxistes un peu autonomes dans leurs têtes
>> provenant des classes bourgeoise critiquer les ouvriers qui travaillent
>> pour le capital, alors que, eux, ils y sont obligés ! et que c’est bien
>> facile de critiquer les nécessiteux quand on est issu de classe
>> bourgeoise ! C’est quelque chose d’alors difficile à comprendre, et
>> surtout c’est un mécanisme d’oppression très répandu de faire croire aux
>> opprimés/victimes qu’ils sont la cause de leurs malheurs.
>
> J'avoue que c'est ce qui me tracasse le plus. J'ai souvent
> l'impression qu'on me fait la leçon m'indiquant que ma manière de
> vivre n'est pas la bonne (et là, je vais passer à l'étape 2, je vais
> gérer une petite équipe, je serais encore plus le soutien du grand
> capital !), alors que je suis globalement heureux moi (désolé ...).
Moi je pense que tant qu’on arrive à exercer un boulot créatif, ou à
s’organiser en contre-pouvoir (comme un syndicat) dans un boulot moins
créatif, on participe à ce que disait Marx en disant « le Capital
produit son propre dépassement », celui-ci ne pouvant à terme que
s’effondrer.
>>> Ce dont j'aurais besoin, et c'est aussi vrai si je veux défendre cette
>>> idée au nom du Parti Pirate, c'est comment on va vivre CONCRÈTEMENT dans
>>> votre monde sans argent.
>>
>> Kropotkine en fait une excellente description dans « La conquête du
>> pain ». L’ouvrage peut être assez cher (d’une dizaine à une trentaine
>> d’euros :/), mais il vaut le coup. Un de ces jours il faudrait que
>> j’emprunte l’exemplaire que j’ai donné à un ami pour le bookscanner à la
>> Quadrature et le mettre en ligne…
>>
>> Donc en gros on travaille pour répondre à nos besoins de façon autogérée
>> et en s’organisant démocratiquement (et non par la hiérarchie
>> capitaliste et le saint marché), et on distribue tout ça à tout le monde
>> en fonction des besoins (on a déjà depuis longtemps — quelques siècles —
>> largement la technologie de produire tout le nécessaire en
>> abondance).
>
> Les systèmes que l'on me décrit ont fréquemment pour objectif de nous
> faire vivre dans des micros communauté un peu isolée, ce dont je ne suis
> pas très fan (c'est mon coté internationaliste qui ressort :P). Je ne
> prendrais sans doute pas le scan (je suis un vieux con qui aime le
> papier), je vais voir si je peux retrouver ce texte au format papier
> :)
Oui je vois ce que tu veux dire, on l’observe notamment chez les
primitivistes et les écologistes profonds. Mais le mouvement anarchiste
étant, à l’instar du mouvement communiste autoritaire, très proche du
mouvement ouvrier, et garde certaines idées communes avec les autres
communistes, reste proche du mouvement ouvrier et donc fondamentalement
internationaliste ;)
Rappelons que les anarchistes sont fédéralistes et parlent souvent de
fédération en bottom-top à l’échelle mondiale. C’est le genre de
fédération anarchiste qui s’est déjà faite par exemple avec les communes
libres collectivistes au Moyen-Âge, qui se fédéraient déjà à l’époque à
travers à peu près toute l’Europe.
Mais ouais, certains anarchistes, et donc localistes (évidemment) mais
parfois pas uniquement économiquement et vont jusqu’à imaginer un monde
sans Internet, sans avions, bateaux, et voyages internationaux
quotidiens, c’est triste. Heureusement ce n’est pas le cas de tous.
>>> Aujourd'hui, je refais ma sortie de garage. Sauf que moi, je ne sais pas
>>> poser des pavés, je n’ai pas le temps d'apprendre et pas vraiment
>>> l'envie d'ailleurs. Et bien assez simplement, j'ai contacté deux
>>> entrepreneurs qui sont venus me voir, ils m'ont proposé chacun un devis
>>> et j'en ai choisi un. Et là, il me fait ma sortie de garage. Quand il
>>> aura fini, je lui ferais un virement ou un chèque. Avec de l'argent que
>>> j'aurais gagné en allant travailler naturellement :)
>>>
>>> => Comment fera-t-on sans argent ?
>
>> C’est très simple : t’as toujours des personnes qualifiées qui savent le
>> faire, elles ont potentiellement envie d’aider leur prochain,
>> probablement envie de faire perpétuer une société libre et égalitaire ou
>> tout se fait gratuitement et sûrement envie que les gens puissent vivre
>> et se déplacer de sorte à ce que qu’ils puissent participer à la société
>> et aller dans les intérêts de tout le monde, y compris eux-même, donc
>> ils viennent exécuter le travail, sans rétribution *directe*. Mais en
>> réalité il y a une sorte de « rétribution », indirecte, mais néanmoins
>> très importante, essentielle même : le résultat du travail. Sous le
>> capitalisme on appelle ça les « externalités positives », et comme on
>> sait que c’est pas facilement calculable, on s’en fout (ce qui est
>> absurde).
>
> Alors je peux dire, pour reprendre l'exemple de mes pavés, que j'ai déjà
> profité d'un système "hors capital", car mes pavés viennent ... de mon
> voisin (qui changeait ses pavés par des neufs, et qui m'a donné les
> vieux).
C’est assez génial :) Surtout quand le Capital veut absolument imiscer
l’argent dans toute interaction humaine, et donc véritablement baser la
société sur l’argent (société qui est définie je le rappelle par « la
somme des interactions entre les individus »).
> Sauf que j'ai du mal à imaginer une personne me faire ce travail, qui
> est, il faut le reconnaitre, pas super fun. Attention hein, j'aurais
> sans doute 30 personnes qui serait venu avec leurs pelles mécaniques
> pour faire un zoulie trou parce que c'est rigolo, mais passer 2 jours
> à genoux pour bien poser les pavés ...
Oui en effet. Heureusement il existe des travaux assez simple que l’on
peut faire soi-même pour soi-même. Néanmoins pour tout travail, surtout
les plus chiant, comme je l’ai dit, il est possible de complètement les
automatiser, ou au pire en grande partie avec des outils. C’est juste
que le bonheur des travailleurs n’étant pas quelque chose de profitable
au Capital, assez peu d’ingénieurs ont véritablement le temps et surtout
les moyens de s’y dédier :/
> J'ai bien conscience que l'externalité positive est un concept
> important, c'est ce qui fait que mon voisin est content de me donner ses
> anciens pavés. Mais je doute que je gars sera content d'avoir fait
> l'ensemble des sorties de garage de mon village ;)
Moué, pas si sûr, ça peut tout à fait être motif de fierté selon moi, je
pensais à des ouvrages certes ennuyeux et pénibles, mais plus complexes
que ça, du genre l’entretien des égouts ou des bâtiments par exemple.
> Ta réponse, en résumé c'est : qui fera le Job et pourquoi ? La même
> personne parce qu’elle trouve cela cool et gratifiant ! J'ai comme un
> doute ;)
Pas seulement, ça c’est une des trois types de motivations, parmi
lesquelles ont a donc (1) l’idée de empathie/αγαπε (charité sans l’idée
religieuse ou de générosité, l’idée d’amour inconditionnel envers tout
le monde)/solidarité, (2) l’idée de réciprocité (le fait que l’on
participe à faire fonctionner le système où les autres aussi travaillent
pour nous gratuitement), (3) l’idée d’utilité indirecte, tous les pavés
du village font fonctionner le village, qui fonctionne ainsi pour nous,
donc je pave aussi pour la voiture du facteur qui m’apporte les colis le
matin aussi, par exemple.
> Je ne vais pas reprendre l'ensemble du reste du message, je vais y
> répondre directement pour ne pas alourdir mon texte, en deux points :
>
> 1. Tu arrives à une conclusion qui est que si on se libère du travail,
> on pourra alors libérer notre créativité (que cette créativité soit
> artistique, technique ou technologique). Je suis assez d'accord. Par
> contre, il ne faut pas oublier que les machines aussi seront
> créatives. C'est souvent ignoré dans les discussions, et cela ne nous
> prépare pas à cette révolution. On reste persuadé, pour les plus
> optimistes, que l'informatique et l'automatisation vont permettre de
> libérer les hommes du travail, mais que la limite c'est que l'homme
> est créatif, la machine non. Les machines d'aujourd'hui joue en
> bourse, conduise une voiture et on des processus d'apprentissage
> simple. Mais le travail des ingénieurs n'est pas terminé ;)
Jouer en bourse ou conduire une voiture est peu créatif. Par contre je
dis que les *robots* ne sont pas créatives, mais que les machines le
sont. La preuve, nous, les humains, sommes des machines organiques à
principalement base de composés carbonés (CHNOPS, juste 6 éléments
quoi), et nous sommes la machine la plus performante et créative
existante sur Terre, la preuve, on a fabriqué toutes les autres.
Donc quand je dis « un robot n’est pas créatif », c’est pas une
affirmation péremptoire sans base, c’est un critère d’essencialité, à
mesure qu’une machine devient créative, et donc s’enrichit d’une culture
et apprend à faire société, elle est moins un robot. Si une machine
arrive à participer pleinement à la société, à tout à fait faire société
et s’intégrer à notre culture, alors ce n’est plus un robot et elle
jouit de status éthiques identiques à ceux des humains, donc des mêmes
droits. Ce n’est alors plus un robot, c’est un camarade.
> 2. Je reste persuadé, comme je n'avais déjà dit sur mumble a ensemble,
> que pour des gens comme "tout le monde", comme moi quoi, il y a des
> étapes pour arrivé à votre idéal. C'est là où le PP devrait bosser (j'y
> reviendrais dans un gros mail que je prépare là), mais par exemple, le
> Revenu de base est souvent écarté par les gens qui veulent le monde sans
> argent, alors que pour moi, c'est une étape importante vers votre idéal.
> Au pire, on aura fait un pas de plus quoi :)
Ben créer un revenu universel de base c’est donc garder la propriété, un
système autoritaire, et tenter de le modifier pour le rendre plus
libertaire.
En fait c’est parce qu’il y a deux tendances, deux mouvements
communistes : le mouvement autoritaire et le mouvement libertaire. Le
mouvement pirate est plus un troisième mouvement relativement
contradictoire qui n’est ni l’un ni l’autre.
Le mouvement autoritaire prône la prise de contrôle de l’État et des
mesures très autoritaire pour préparer de gré ou de force la population
au communisme. Donc atteindre la liberté par l’autorité, ce qui semble
assez contradictoire. C’est ce qu’a tenté l’URSS et la Chine. Et on voit
les résultats.
On voit dans le mouvement autoritaire une tendance réformiste et une
tendance révolutionnaire : la tendance réformiste se constitue en parti
et tente d’obtenir suffisamment de voix pour arriver à la tête de l’État
et changer le système. Ça me semble assez utopique, du fait qu’en
arrivant en haut de la hiérarchie tout en se faisant obéir concrètement
il y a des mécanismes de sélection (des plus autoritaires) comme de
corruption (pour endurcir et rendre plus autoritaire), il me semble
qu’un parti suffisamment fort pour arriver au pouvoir deviendrait très
autoritaire, comme le PCF ; la tendance révolutionnaire veut prendre le
pouvoir par un coup d’État pour constituer un état révolutionnaire (ce
qui constitue une abbération, une oxymore pour n’importe quel
anarchiste) qui portera la révolution à terme. C’est ce qui a été fait
par l’URSS notamment. On a vu les résultats d’ailleurs…
Le mouvement libertaire prône l’insoummission complète à l’autorité et
donc l’État, et le passage direct à l’anarchie, sans passer par
l’autorité ou quelconque forme de pouvoir, en déclarant qu’on atteint la
liberté que par la liberté, et jamais par le pouvoir, qui ne peut que
réaliser plus de pouvoir. C’est ce qui c’est fait en Catalogne, en
Ukraine, ce qui se fait avec les zapatistes en amérique du sud et s’est
presque fait à la Commune de Paris : pas assez, une certaine
bureaucratie est restée et ça a condamné la révolution qui n’a pas su se
pérenniser, et a fait dire à Louise Michel « je suis anarchiste parce
que le pouvoir est maudit ». Ce fut donc plus proche du communisme
autoritaire révolutionnaire, et échoua parce que ce ne fut pas assez
libertaire… bien que le Conseil alors en place était très libertaire
dans l’âme.
C’est proche de ce que le parti pirate tente aujourd’hui, une autorité
qui tente de se faire libertaire. Mais ça se distingue parce que la
Commune fut révolutionnaire et échoua par la force
contre-révolutionnaire qui les mattèrent et reprirent le contrôle de
Paris, alors que le parti pirate n’est pas révolutionnaire mais
réformiste. Le parallèle entre la commune de Paris et le parti pirate me
semble donc intéressant.
On a aussi dans le mouvement libertaire deux tendances : une tendance
révolutionnaire et une tendance autonome. La tendance révolutionnaire
veut propager les idéaux libertaires en vue du « Grand Soir », celui de
la révolution, où l’on fera disparaître l’État en cessant d’y obéir et
en combattant les derniers partisans de celui-ci (extrême droite et
police principalement). La tendance autonome c’est les totos qui se
constituent en squat pour résister à l’autorité dès maintenant sans
attendre d’hypothétique « grand soir », en cessant directement et
immédiatement d’obéir aux règles de la propriété, du patriarcat, et donc
de l’État, du capitalisme, de l’Église et de toute religion.
Le parti pirate hérite du socialisme utopique hippie (qui ressemble un
peu aux idées d’anarchistes autonomes mais en beaucoup moins développé,
construit et concret sur le plan des idées, très bisounours) qui
influença les créateurs d’Internet (dont le parti pirate est l’enfant
:D), et est donc libertaire dans l’âme mais réformiste en actes (les
hippies bisounours ayant tendu au réformisme). Donc tente de « pirater
le système » comme dit cmal, mais pour le changer de l’intérieur et en
faire un organisme fédéraliste libertaire, sans toutefois passer par les
mesures ultra-autoritaires des communistes autoritaires, en
transitionnant avec des mesures comme le revenu universel de base, et
pas la collectivisation forcée de toute les terres avec l’administration
de toute chose par un État ultra-hiérarchique et ultra-centralisé en
top-down.
À certains ça semble bisounours, ça dépend, par exemple certains ont
remarqué que certaines merdes (genre infiltration de conservateurs) dans
les partis pirates qui arrivent quand ceux-ci deviennent assez gros et
puissants (genre en Allemagne) pourraient être dûs à la structure de
partis, comme a dit cmal. En effet ça s’explique par les systèmes de
sélection et corruption autoritaires que j’ai cité en parlant du
communisme autoritaire réformiste. Mais du coup l’esprit libertaire fait
penser à ce qui a voulu se faire avec la Commune de Paris… en réformiste
plutôt que révolutionnaire (et à beaucoup plus grande échelle).
Donc le parti pirate reste libertaire dans l’âme, mais pas complètement
anarchiste.
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