[PP-discussions] Comment la gauche et la contre-culture sont tombées dans le piège de l'utopie numérique
renc
rencontres3 at gmail.com
Lun 22 Déc 16:57:36 CET 2014
Le vendredi 19 décembre 2014, Zid:
>
> Un peu de lecture ;)
> http://m.slate.fr/story/95899/fred-turner-technologies
> .z.
Un petit up pour ce post de felix resté curieusement sans écho...
Alors qu'il, ioho, traite de l'une des questions qui devrait être au
coeur quotidien de nos débats tant il pointe le principal travers des
prémices d'une bande de techno-toxicomanes comme ce à quoi la plupart
d'entre nous appartient...
Voilà donc une copie du texte pour mieux relancer... même pendant la trêve
des confiseurs...
Et même si aussi l'auteur se plante pas mal...
non sur le fond de son analyse lucide du drame technologie...
mais sur le détail de ce qui péchait chez les jeunes américains
(genre l'individualisto-niaiserie pré new âge... dont heureusement ont
été exempts la plupart des mouvements européens,
qui même s'ils avaient d'autres graves travers ...
étaient souvent un peu consistants et solides sur le plan politique et
surtout collectif !!)
quelques corrections sont d'ailleurs apportées à son propos par des avis
cités dans le corps de l'article ...
À vos débats et commentaires
============
Comment la gauche et la contre-culture sont tombées dans le piège de
l'utopie numérique
par Jean-Laurent Cassely
le 18 décembre 2014
L’historien américain Fred Turner, de passage à Paris pour donner deux
conférences, revient sur sa thèse iconoclaste: selon ce chercheur qui
enseigne au département des sciences de la communication de l’université de
Stanford, tous les éléments de l’utopie numérique, qui voit dans
l’avènement de la micro-informatique et des réseaux dématérialisés le moyen
pour l’individu de s’émanciper d’une société hiérarchique, bureaucratique
et aliénante, remontent à la contre-culture développée par les hippies de
la côte Ouest dans les années 60.
Tout le logiciel si on peut dire de l’utopisme numérique était déjà présent
à la racine du mouvement d'exode collectif des hippies vers les
communautés, qui*«voyaient dans la transformation de la conscience le point
de départ d’une réforme de la structure sociale américaine», *écrit-il
dans *Aux
sources de l'utopie numérique* <http://cfeditions.com/Turner/>, une
histoire de la filiation entre contre-culture et cyber-culture.
De son propre aveu *«amoureux des hippies»*lorsqu'il entame son travail,
Turner a finalement montré à quel point leur rêve s'était transformé pour
finir par rallier les idées économiques les plus individualistes, les moins
progressistes socialement, leur donnant dans les années 90 le vernis de
coolitude New age qui leur manquait pour gagner les esprits.
Car paradoxalement, l’utopie numérique abreuvera largement les discours
annonçant le triomphe d’une «nouvelle économie» promue dans les années 90
marquée par les dérégulations, la flexibilité, l’avènement d’un mythe de
l’entrepreneur comme nouveau héros et modèle de l’individu épanoui et, par
dessus tout, la croyance fondamentale selon laquelle la technologie est un
vecteur de changement social positif. Sa thèse est contre-intuitive, et il
explique pourquoi:
*«J’ai d’abord écrit un livre sur la manière dont les Etats-Unis se
souvenaient de la guerre du Vietnam. A l’époque où j’écrivais ce livre, les
ordinateurs incarnaient tout ce qui allait mal aux Etats-Unis, ils étaient
les outils de l’Etat militaire de la Guerre froide.»*
L'auteur suit les évolutions du *Whole Earth Catalog*, publication hippie,
jusqu’à sa mise en ligne en 1985 sous la forme d'un forum, le WELL,
considéré comme la première communauté virtuelle, qui prolongera et
approfondira l'esprit de communauté qui s'était déjà manifesté dans la
version «papier». Turner découvre que nombre des apôtres de la vie en
communauté des sixties se sont reconvertis dans la chronique des temps qui
viennent et semblent avoir trouvé dans le «cyberspace» une communauté
utopique de substitution à leurs échecs de vie en autarcie.
Fred Turner
Comment expliquer cette «*étonnante transhumance des communautés hippies
vers les terres numérique»*, selon la formule de Dominique Cardon dans la
préface de l'ouvrage? C'est qu'entre temps les hippies étaient revenus de
leurs expériences de communautés, qui se sont révélées désastreuses. *«Les
communautés étaient incroyablement conservatrices. Quand on a laissé tomber
la bureaucratie, la loi, ce qui restait c'était le racisme et la
ségrégation entre les sexes».* La domination à l’état pur, rappelle Turner,
contrairement à la présentation souvent faite a posteriori de cette époque.
********
WarniWarning disclaimer....
Du délire: oui les trucs de hippisspartout babacools pré newage ont été
juste l'enfer... mais tant d'autres expériences... comme ici... :
Par exemple l'écart entre
- les debiles squats dits d'articstes débilo-frico-arrivisto-bobos (cf
genre 'interface')
et
- les squats politiques, de totos**, ou de collectifs simples et ouverts
(cf mouvance 'vrai' intersquat tendances squat.net)
*****++ ignorance et négation du formidable mouvement us qui s'il a perdu
quelques tox excités... a tant gagné en profondeur et solidité... cf depuis
les zerzaniens de eugene à the source... en passant par tous les
mouvements d'IC, de sv, claws... [ndlc]!!!!!! !!!!!!!!!********
.......
À LIRE AUSSI
Derrière Internet, l'imaginaire hippie
<http://www.slate.fr/story/74091/derriere-internet-imaginaire-hippie-stewart-brand>
Lire
<http://www.slate.fr/story/74091/derriere-internet-imaginaire-hippie-stewart-brand>
WarniWarning disclaimer....
*****++ ignorance et négation du formidable mouvement us qui s'il a perdu
quelques tox excités... a tant gagné en profondeur et solidité... cf depuis
les zerzaniens de eugene à the source... en passant par tous les
mouvements d'IC, de sv, claws... [ndlc]!!!!!! !!!!!!!!!********
La désillusion sera à la mesure des espoirs pour une génération entière
alors orpheline de son rêve de changement social radical: l’historien
précise que jusqu’à 750.000 personnes sont parties vivre en communauté à
l’apogée du mouvement. Ils tenteront de raviver la flamme sur les réseaux
dématérialisés, pour reproduire une expérience de vie communautaire
débarrassée cette fois pour de bon, pensaient-ils, des origines des
individus, des conflits de pouvoir et de la politique dont ils se méfiaient
tellement. L'anonymat et la coupure entre réel et virtuel laissant espérer
que ce qui avait échoué. *****++ ignorance et négation du formidable
mouvement us qui s'il a perdu quelques tox excités... a tant gagné en
profondeur et solidité... cf depuis les zerzaniens de eugene à the
source... en passant par tous les mouvements d'IC, de sv, claws...
[ndlc]!!!!!! !!!!!!!!!******** dans les montagnes ou les déserts
américains réussirait en ligne...
L’histoire se termine avec l'émergence d’une presse technophile des années
90, qui associe modes de vie et technologies et dont le magazine *Wired*
<http://www.wired.com/>, qui jouera un rôle fondamental dans la
glamourisation de la technologie, est l’étendard. C'est le moment de
convergence décrit par Richard Barbrook et Andy Cameron dans *L'idéologie
californienne*
<https://charro1010.wordpress.com/2009/11/29/lideologie-californienne-par-richard-barbrook-et-andy-cameron-traduction-pierre-blouin/>
entre
les idéaux bohèmes de la contre-culture et le libéralisme économique des
milieux de la droite américaine, leur foi dans le marché autorégulateur et
leur aversion pour toute intervention de l'Etat. C'est aussi le moment où
émerge une nouvelle élite des réseaux qui a été désignée par divers
néologismes: «digeratis <http://en.wikipedia.org/wiki/Digerati>», «
netocrates
<http://reflets.info/the-netocracy-is-coming-you-better-be-ready/>», etc.
Un mouvement dont la Californie a été le berceau:
*«Il y a un genre particulier de contre-culture qui est californien. La
France a clairement eu une contre-culture, avec Mai 68, mais il y a une
différence fondamentale: J’ai toujours pensé à la contre-culture française
comme étant politique, les gens marchaient dans la rue, comprenaient que la
politique et les partis politiques étaient très importants…*
*En Californie la contre-culture s’est scindée en deux branches. L’une
était politique, et ressemblait beaucoup à ce qui se passait à Paris, et
c’est ce qu’on appelait la "new left" ["nouvelle gauche"], mais l’autre
branche, celle qui a vraiment influencé le monde des ordinateurs, s’est
éloignée de la politique, a refusé la politique, en disant que la politique
est le problème et pas la solution. Et que nous devons au contraire nous
tourner vers le marché, vers les technologies de petite taille, et
construire ce qu’ils appelaient à l’époque des communautés de conscience,
c’est à dire dans lesquelles il n’y avait pas de règles, pas de
bureaucratie, pas de politique mais seulement un état d’esprit partagé...*
*Cette idée était très puissante en Californie en particulier, et ce sont
les gens associés à ce bord de la contre-culture qui ont travaillé avec le
monde des ordinateurs. C’était donc un mouvement très local.»*
Le Whole Earth Catalog (1975)
<https://www.flickr.com/photos/on_earth/15418528738> / Akos Kokai via
Flickr CC Licence By <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/>
Le mythe californien est devenu «l'idéologie dominante»
Depuis que Turner a travaillé sur sa thèse au début des années 2000 et l’a
publiée en 2006, la séduction du modèle californien alternatif, qui
aux *«existences
d'automates zombies des cadres d'entreprise»*substituait le travailleur
nomade, libre et rebelle, sorte de cow-boy des autoroutes de l'information,
n’a rien perdu de son attrait, en particulier auprès des jeunes générations
qui associent l’entrepreunariat à une discipline de développement personnel
et à un parcours d'accomplissement de soi:
*«Je pense qu’on vit encore dans l’ombre de l’idéologie de la nouvelle
économie, celle selon laquelle les individus sont supposés être des
entrepreneurs, laisser derrière eux les institutions afin d’explorer leur
propre créativité, devenir des citoyens émancipés et changer le monde».*
C’est justement le legs principal de l’esprit des communautés (le «Nouveau
communalisme») selon Turner: le rêve *«d’un monde du travail communautaire
au sein duquel la vie de tous les jours et le travail seraient la même
chose, reliés l’un à l’autre, où on ne serait pas partie prenante du
marché, mais dans lequel on serait un paysan, un mari, toutes les choses
que nous pouvons être en même temps […] D’un endroit où on puisse être
soi-même, où on puisse être créatif, tout en en faisant son travail. Et
c’est un rêve de contre-culture».*
L'abandon de l'action collective
Pour la branche de la contre-culture qui mettait l'accent sur la
transformation personnelle et l'expérience communautaire comme méthodes de
changement social, l'action collective à l'ancienne a été abandonnée, ce
qu'on a selon Turner encore observé lors du mouvement Occupy Wall Street,
qui ranime les idéaux des communautés:
*«On ne voyait pas de gens protester et former des partis politiques, ce
qu’on voyait c’était des gens qui descendaient dans la rue pour “Occuper”
en pensant: “Je vais être moi-même en public, et tout va changer”… Eh bien
non! [...] Ca n’a pas eu d’impact structurel, parce que nous n’avons pas
fait le travail politique. Alors oui on peut dire “nous sommes les 99%, on
se sent bien, c’est super”, mais ca ne change pas les institutions
politiques. Et c’est une de mes peurs: je pense qu’Occupy est une des
survivances de la période du nouveau communalisme, et du fait de s’être
détourné de la politique.»*
Le fantasme d'émancipation par la technologie, qui vient de la
contre-culture, est toujours vivace
Fred Turner
L’autre héritage est bien sûr la foi dans la technologie.*«Le fantasme
d'émancipation par la technologie, qui vient de la contre-culture, est
toujours vivace dans de nombreux endroits comme les hacker spaces, le
mouvement des makers… En fait c’est presque l’idéologie dominante
aujourd’hui.»*
Une vitalité qui selon Turner n’a rien de surprenant puisque ce sont les
premiers perturbateurs professionnels qui inspirent et animent ces milieux
(Le magazine *Make* <http://makezine.com/> a d'abord été publié par O'Reilly
Media <http://www.oreilly.com/pub/pr/3185>, le groupe de presse de Tim
O’Reilly, lui-même grand admirateur de la période hippie décrite par
Turner).
L’économie numérique et sa capitale mondiale, la Silicon Valley, se sont
tournés vers une relecture plus cynique et tacticienne des mythes des
pionniers.
*«Les nouveaux programmeurs utilisent tactiquement des élements [de la
contre-culture] comme la communauté de conscience, Google utilise beaucoup
cette idée: quand ils vont à Washington et disent “nous changeons le monde,
nous faisons les choses différemment, nous construisons une nouvelle
humanité connectée”: c’est un nouveau communalisme, qu’ils utilisent à leur
avantage.»*
L'entrepreneur a remplacé l'artiste comme modèle pour la jeunesse
Chez les jeunes en revanche, le rêve numérique est vécu avec la même
ferveur que celle qui animait les pionniers:
La Californie a réussi à convaincre le monde entier qu’il fallait fabriquer
un produit pour devenir une personne accomplie
Fred Turner
*«Ce qui se passe, c’est que le monde de la technologie a capturé le
travail d’éducation personnelle que les jeunes doivent réaliser et que
d’une certaine manière, la Californie a réussi à convaincre le monde entier
qu’il fallait désormais être entrepeneur dans un contexte collaboratif et
fabriquer un produit pour devenir une personne accomplie.*
*Alors qu’avant les jeunes rêvaient d’écrire des poésies ou un roman, la
nouvelle manière d’être créatif et de s’exprimer soi-même c’est d’être dans
le business. De la même manière que ces jeunes seraient venus à Paris ou à
New York pour être au milieu des écrivains, ils viennent en Californie pour
être au milieu des techniciens et ingénieurs. De la même manière qu’ils
auraient appris les vers et la poésie, ils apprennent le code. C’est une
dynamique très similaire.*
*Et une de mes peurs, c’est qu’à mesure que la technologie impreigne nos
vies, le travail traditionnel d'apprentissage que permettent la littérature
et l’histoire soient repoussés dans les marges, et que les jeunes finissent
par confondre la chance d’avoir une entreprise de la chance de devenir
adulte, alors que ce sont deux choses très différentes.»*
Car comme il le répète, *«l’idée qu’on puisse s’émanciper» *par la
technologie seule en laissant de côté l'organisation politique et les
problèmes sociaux, relève du *«fantasme»*:
*«Ca revient à transformer les ordinateurs en outils de psychothérapie.»*
Fred Turner présentera son livre *Aux sources de l'utopie numérique*
<http://cfeditions.com/Turner/> (C&F éditions) à Paris ce jeudi 18 décembre à
l'EHESS <http://cems.ehess.fr/index.php?3378>, 105 Bd Raspail, à 18h30.
Remerciements à Laurent Vannini, traducteur de l'ouvrage de Fred Turner,
pour ses précisions.
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Le vendredi 19 décembre 2014, Zidjinn PP <zidjinn.pp at rambler.ru> a écrit :
>
> Un peu de lecture ;)
>
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>
> .z.
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