[PP-discussions] Des limites...

Paul Berettoni (cmal) paul at cmal.info
Mar 18 Juin 00:25:22 CEST 2013


Merci pour ta contribution LeLapin.

Pour le coup, je pense qu'on est relativement sur la même longueur 
d'ondes en cela que je ne vois pas non plus de grande différence entre 
travailler dans le bâtiment et se prostituer. Par contre, quand on parle 
de vente d'organes ou d'auto-mutilation, on parle de séquelles 
irréversibles ; les enjeux ne sont donc pas non plus les mêmes.

Une question centrale à laquelle nous sommes confrontés régulièrement, 
dans les débats sur le travail du sexe aussi bien que dans les débats 
sur l'économie au sens le plus large, est la question du consentement. À 
partir de quand peut-on en toute bonne conscience considérer qu'un être 
humain est pleinement consentant de ce qui lui est infligé ? Un 
libertarien ou un anarcho-capitaliste défendrait par exemple que 
l'exploitation des travailleurs par l'employeur est saine car consentie, 
arguant que les enfants exploités en Chine ont effectivement le droit de 
refuser.

Mais ne garder dans l'équation du consentement que le questionnement de 
l'intégrité psychologique de l'individu est extrêmement réducteur. Que 
faire ainsi des pressions économiques qu'il subit ? Si l'on peut à peu 
près partout dans le monde refuser une offre d'emploi, beaucoup vont 
accepter les pires conditions de travail pour gagner le droit de vivre 
au chaud dans un dortoir collectif et non plus dans la rue froide et humide.

Vous voyez ainsi le biais humaniste que je prends volontairement sur la 
question, car il s'agit bien d'empêcher les gens de se faire du mal… et 
donc de savoir à partir de quand un individu se fait du mal, sans 
rentrer dans des considérations moralisatrices bibliques (ou autres). Je 
ne pense donc pas que la prostitution ou le don d'organe soit 
nécessairement une souffrance que l'on s'inflige par dépit. Par contre, 
il me paraît évident qu'il faut d'une façon ou d'une autre arriver à 
supprimer les contraintes économiques qui pèsent sur les individus afin 
d'arriver à un consentement véritable.

Pour le coup, quelle que soit la méthode utiliser pour supprimer les 
pressions économiques (revenu de base ?), cela va totalement bouleverser 
l'ordre social. Parce que les gens ne seront plus contraints de 
travailler, on va avoir un ajustement spontané des salaires faisant que 
les métiers les moins reconnus socialement seront les mieux rémunérés, 
ce qui est une très bonne chose. Impossible par contre de prévoir ce que 
ça impliquera dans d'autres domaines de la société, et c'est 
probablement ce qui fait peur… mais je pense que cela ouvre de grandes 
perspectives pour une société meilleure.

Librement,
cmal

PS : J'ai pris ta question un peu de travers en considérant que la 
limite à toujours fixer est celle du consentement. J'espère que ma 
réponse ne tombe pas trop hors-sujet :P

On 06/18/2013 12:07 AM, LeLapin wrote:
> Cette ML est un lieu de discussion, alors je vais en lancer une qui va
> probablement en rassembler de nombreuses abordées de façon disparate
> ici.
>
> Faut-il des limites, à quoi, pourquoi ? Je vais rebondir sur quelques
> sujets récents.
>
> - Notre corps nous appartient-il ?
>
> Tout le monde ici répondra probablement oui.
>
> On peut donc en faire ce qu'on veut (toujours avec la limite
> extrinsèque : que cela ne nuise pas à autrui) avec ?
>
> S'il s'agit de donner tout ou partie de moi, je suppose que tout le
> monde ici répondra oui. J'ai tous les droits de donner un rein, mon
> sang, mon corps tout entier à l'être que j'aime (ou pas d'ailleurs,
> c'est un choix consenti), voire à la Science à ma mort. Je peux aussi
> offrir mon corps, mon temps, mon énergie et mes capacités à telle
> personne, telle cause, telle activité. Nous sommes toujours d'accord.
>
> Maintenant puis-je le faire en échange d'une quelconque compensation ?
>
> Soyons clairs. "Vendre" (car c'est bien là le mot) mon corps de la
> façon décrite plus haut, c'est ce qu'on fait déjà avec un travail
> rémunéré. Je ne vois donc pas pourquoi dans ce deuxième cas de figure
> on instaurerait une limite artificielle. Je ne dis pas qu'en pratique
> ça n'aurait pas d'effets pervers, on en a déjà trouvé ici alors que
> nous n'avons qu'effleuré le sujet.
>
> Mais si on met de côté ces possibles effets pervers, que reste-t-il
> pour fixer une limite ? Je ne vois que de mauvaises raisons, toutes
> dues à une pseudo-morale *toujours* d'origine religieuse.
>
> Changeons maintenant de sujet, histoire de voir si les choses sont
> comparables. Et un de mes amis Pirate va constater que je le comprends
> bien (Luna, si tu nous lis...! ;)
>
> Nous sommes d'accord pour dire que la souffrance animale nous est en
> horreur. Là nos sociétés ont utilisé quelques curseurs pour nous
> permettre de tordre un peu la règle.
>
> D'abord au premier cran du curseur, on peut déjà parler d'éviter les
> "souffrances inutiles" ! Belle phrase qui ne veut rien dire. Il y
> aurait des souffrances utiles ? Lesquelles ? Un aficionado vous dira
> que la torture du taureau en est une. Un carnivore, que sa mort (est-ce
> une forme de souffrance ? nous y reviendrons) l'est. Une végétarien que
> sa contrainte l'est. Mais un vegan ?
>
> Que savons-nous exactement de la souffrance, à part l'anthropomorphisme
> qu'on applique aux autres formes de vie, plus précisément à celles qui
> nous ressemblent le plus ?
>
> On peut affirmer, depuis une tétrachiée de recherches qui se sont
> vraiment développées dans les 70s, dans la continuité du mouvement
> hippie, que les plantes souffrent aussi ! Le vegan fait donc souffrir
> des êtres vivants doués de sensibilité. Et je ne parlerai pas des
> nombreux parasites et micro-organismes que son système immunitaire
> trucide par millions tous les jours.
>
> Donc si on ne fixe pas une limite à la souffrance utile, ou au niveau
> de conscience/de sensibilité, on va se retrouver à bouffer des cailloux
> et de l'eau filtrée.
>
> Il y a un point commun entre ces deux sujets de discussion : la
> question sur la nécessité ou non de limites. Mais il y a une grande
> différence : dans un cas le choix n'impacte que celui qui choisit, dans
> le deuxième il se porte sur le sort d'autrui.
>
> En ce jour de passage du bac philo, c'était ma petite contribution à
> vos migraines à venir, car bien entendu je ne conclurai pas. :D
>
> Bonne nuit.
>
> LeLapin
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