[PP-discussions] L'étiquette Parti Pirate, pistolet sur la tempe ou muselière.
Paul Berettoni (cmal)
paul at cmal.info
Lun 17 Juin 19:31:36 CEST 2013
Bonjour,
Les points que tu soulèves sont légitimes par certains aspects, mais il
faut comprendre le raisonnement derrière ce qui t'est dit sans crier
tout de suite à l'insulte ou à l'arme pointée sur nous.
Déjà, il faut garder en tête qu'un élément essentiel dans tout
raisonnement est de rester cohérent. Pour le coup, défendre les droits
des animaux semblent cohérent pour quelqu'un appartenant à un mouvement
de défense des droits de l'Humain. Je pense d'ailleurs que nous sommes
tous ici d'accord sur le fait que la traite animale ne devrait exister
sous aucune forme. Maintenant, il faut tout resituer dans notre contexte
: nous sommes des êtres omnivores et avons été éduqués à manger (trop)
de viande ; il nous est donc très dur de concevoir une autre alimentation.
Avec le recul, il me semble donc nécessaire, à défaut de pratiquer le
véganisme au quotidien (d'autant plus que cela n'est pas facile en
France), de soutenir ceux qui entreprenennt une telle démarche et
travaillent au respect des droits des animaux. Or, on ne te met pas la
pression pour que tu deviennes vegan… mais simplement pour que tu
prennes conscience qu'il s'agit d'enjeux importants et que tu y prêtes
attention.
Concernant le sexisme/machisme/racisme dont certains feraient preuve en
parlant de « l'homme blanc hétéro », la question est de la même façon
plus complexe. Cette expression m'a toujours choqué dans la forme, mais
elle recouvre une réalité indéniable : notre société est extrêmement
normative, et il est très dur pour quelqu'un dans cette norme de
comprendre ce que subissent les autres. Étant moi-même de la catégorie «
homme blanc hétéro⁽¹⁾ », je suis forcé de constater que je n'étais que
très peu sensibilisé aux problématiques LGBT avant d'en rencontrer qui
sont aujourd'hui devenus mes amis. Il m'est même arrivé par le passé, et
ce le plus innocemment du monde, de tenir un discours que je dénoncerais
aujourd'hui comme homophobe.
Donc oui, la catégorisation de « l'homme blanc hétéro » est
questionnable… mais elle décrit tout de même bien le phénomène de
normalisation dont nous sommes tous victimes. Car cette expression n'a
aucun sens si elle est utilisée comme insulte, mais peut en réveiller
quelques uns : « Qui suis-je pour décider du sort de gens que je ne
connais et ne comprends pas ? »
M'est donc avis que cette expression vise non à dénoncer les coupables
d'agissements homophobes, machistes ou racistes (qui le sont par
ailleurs), mais à tenter de les faire prendre conscience qu'ils sont
eux-mêmes victimes du système discriminatoires qu'ils perpétuent.
Après cette longue digression sur le contenu à proprement parler, se
pose effectivement la question de la légitimité de quiconque à dire ce
que le Parti Pirate devrait faire ou non. La question n'est pas facile à
aborder dans la mesure où nous ne sommes nous-mêmes pas entièrement
d'accord sur ce qu'est le Parti Pirate. Elle l'est d'autant moins que
nous souffrons d'un manque de communication interne qui fait que
beaucoup n'ont aucune connaissance de l'actualité Pirate.
À partir de là, il faut tout de même rappeler un point essentiel : le
Parti Pirate est l'émanation en tant que parti politique d'un mouvement
plus global qui s'étend à tous les champs de la société : libristes,
écolos, libertaires, etc… Nous avons toujours entretenu des relations
particulières avec les autres associations de cet écosystème : nous nous
écoutons les uns les autres, mais sans forcément se soutenir
mutuellement à proprement parler. ⁽²⁾
Maintenant, il faut donc savoir si le Parti Pirate devrait être une
forme de plateforme politique permettant de synthétiser et porter les
combats de nos camarades militant sur le terrain, ou si nous devons être
une entité totalement indépendante qui bâtit de zéro son propre
programme. Chaque organisation possible et imaginable a son lot
d'avantages et d'inconvénients, et nous avons ici d'un côté le risque de
n'être plus qu'un nuage de fumée recouvrant des lobbys, et de l'autre
celui d'avoir un programme ridicule aux yeux de ces associations que
nous prétendons défendre et représenter. Nous sommes présentement dans
la deuxième situation, pour ceux qui se poseraient la question.
Peut-être s'agit-il d'un équilibre à trouver entre ces deux systèmes ?
Par contre, je ne pense pas dans tous les cas qu'il faille mal prendre
(peu importe sa forme) un input qui nous permettrait de nous remettre en
question sur un thème précis, que cela soit le droit des animaux, le
droit des travailleurs du sexe, etc… Derrière ce qui peut sembler comme
une forme d'inquisition très maladroite se cache en fait
vraisemblablement un questionnement sur ce qui est compatible avec le
Parti Pirate. Régulièrement, on me halpague dans les communautés
libristes à coup de mauvaises blagues sur l'affaire Romain D. ou le
dépôt de la marque à l'INPI… mais ils le font en fait pour susciter une
réaction, et j'ai donc appris à répondre le plus sérieusement et
calmement du monde.
En conclusion de ce long mail, je pense qu'il ne faut pas s'offusquer au
premier « Ah mais toi qui es du Parti Pirate, tu (…) » venu et au
contraire en profiter pour mettre les choses au clair une bonne fois
pour toutes à coup de « Non, mais si toi tu (…), on trouve ça cool ! ».
Librement,
cmal
⁽¹⁾ Bon ok, je suis pas non plus à 0 sur l'échelle de Kinsey :-P
⁽²⁾ C'est d'ailleurs à mon sens un axe sur lequel nous avons un grand
travail à mener, car les associations spécialisées (LQDN, STRASS, etc…)
disposent d'une grande force militante et médiatique. Je trouve
regrettable que nous ne soyons souvent pas capables de travailler main
dans la main avec eux alors que cela serait bénéfique aux causes que
nous défendons.
On 06/17/2013 06:38 PM, Raphaël Durand wrote:
> Bonjour à tous.
>
> Je vais tâcher de vous expliquer rapidement mon problème. Sur Twitter je
> parle de sujets sérieux, et je n'hésite pas à provoquer les gens pour
> tester un peu leur argumentation.
>
> Ainsi je critique les végétariens qui réclament la fermeture des
> abbatoirs. On me réponds que je suis au Parti Pirate et que je devrais
> défendre le droit des animaux à vivre.
> Ensuite j'entends parler de "male blanc hétéro", je crie au racisme et à
> la connerie, on me réponds que je suis au Parti Pirate et que je ne
> devrait pas parler comme ça.
>
> Alors j'ai une question à vous poser, pourquoi ceux qui ne sont pas au
> PP et qui sont les premiers à critiquer, devraient dicter au Parti
> Pirate ce qu'il faut dire ou pas.
>
> Depuis quand notre étiquette Parti Pirate est elle une arme pointée sur
> notre tempe par nos détracteurs ?
> Depuis quand est-elle une muselière, nous intimidant pour limiter notre
> expression ?
>
> Est-ce moi qui débloque ou bien ces menaces sont elles déplacées ?
> Merci d'avance pour votre avis.
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