[PP-discussions] Libéralisme ?

Ivan Lamouret ivan.lamouret at gmail.com
Sam 2 Juin 17:42:09 CEST 2012


Le libéralisme comme lutte pour les libertés individuelles, je pense que
tout le monde adhère. Le fameux schéma qui a circulé qui nous place hors de
l'axe gauche/droite autoritaire (je préfère autoritaire à collectiviste...)
est très bien pour cela.  Le piratage du mot "libéralisme" pour couvrir la
loi du marché, comme le piratage de l'idée d'entrepreunariat pour couvrir
la loi de la jungle ou la liberté du renard dans le poulailler, ne me
convient plus du tout.

A ce propos il y a une citation de Rick Falkvinge que j'aime beaucoup, et
qui correspond tout à fait à ma façon de voir les choses : An entrepreneur
is tasked with making money given the constraints of society and
technology. They do not get to dismantle civil liberties even if, and
perhaps especially if, they can't make money otherwise.
*
*
*La tâche de l'entrepreneur est de faire de l'argent dans le cadre des
contraintes de la société et de la technique. Ils n'ont pas à défaire les
libertés civiques, même si, et peut-être surtout si, ils ne peuvent pas
faire d'argent sans cela. *
*
*
*(traduction personnelle CC0 ;-)*

Est-ce que le libéralisme recouvre la liberté d'une société par action
(=pas de responsabilité individuelle) à faire ce qu'elle veut au détriment
de la liberté de ses clients, de ses salariés, qui eux sont des individus ?
Une personne morale (qu'est-ce que cela veut dire ?) doit-elle bénéficier
de la liberté individuelle ? etc. etc.

Cdt,
Ivan
*
*
2012/6/2 LHG <lhg at revegeneral.org>

>  En bref, quelques pistes éclairantes, à défaut d'idées lumineuses (les
> excellents articles de Wikipedia concernant les auteurs, théories et
> courants que je cite constitueront un bon point de départ pour qui veut les
> explorer) :
>
>
>  - L'on attribue généralement la paternité de la doctrine de philosophie
> politique libérale à John Locke (pas celui de Lost ^^), mais il n'est pas
> le premier contractualiste : Hobbes l'a précédé sur ce terrain, et Locke et
> Rousseau furent ses principaux contradicteurs, présentant leurs propres
> visions du contrat social. Hobbes est à ce titre le précurseur tant du
> libéralisme politique que de l'Absolutisme et des totalitarismes
> contemporains. En fait, il est le père de la philosophie politique moderne
> et contemporaine en général, car il est le fondateur de l'individualisle et
> met précisément tout en œuvre pour lutter contre cet individualisme
> « naturel » qu'il met au jour (le Leviathan comme pouvoir absolu né de la
> fusion des intérêts individuels, force politique qui au nom de l'intérêt
> commun pour la paix reçoit le monopole de la violence légitime, tous
> donnant un peu de liberté pour constituer une liberté supérieure, l’État,
> qui préservera leur sécurité, et donc la jouissance de ce qu'il leur reste
> de liberté).
>
>
>  - Locke définit la liberté comme propriété de soi, c'est à dire à la
> fois responsabilité (je suis seul responsable de mes choix et de mes actes)
> et un ensemble de droits universels (tout individu a droit à la liberté
> d'expression, de circulation, de convictions, etc.). Il édicte notamment le
> principe de tolérance qui fonde notre notion contemporaine de laïcité, même
> si celle-ci est aujourd'hui souvent exploitée (je n'ose subbodorer des
> tentatives de récupération...) dans un sens contraire aux thèses de Locke .
> Cette propriété de soi est un donné universel : tous les hommes naissent
> libres et égaux en droits et en devoirs ; tous sont d'emblée responsables.
> Trois siècles plus tard, Heidegger nous apprend que l'appropriation de soi
> ne va, justement, pas de soi et doit être effectuée de manière active par
> le sujet, de même qu'elle dépend de certaines conditions. Marx donnera
> certaines conditions matérielles ; Freud donnera des conditions
> psychologiques, d'autres mettront au jour des conditions sociologiques,
> etc. L'article vers lequel pointe le lien ci-dessous veut montrer en quoi
> la liberté de l'un est conditionnée par celle des autres.
>
>
>  - Locke et Rousseau inspireront fortement Kant qui définit la liberté
> comme Autonomie : responsabilité qui est à la fois droit et devoir de
> respect mutuel entre les hommes. J'ai écrit un article critique sur ce
> concept d'Autonomie, disponible ici :
> http://revegeneral.org/articles/index.php/ethique/68-articlepouruneethiquecontemporaine(pdf :
> http://revegeneral.org/articles/index.php/telecharger-les-articles/articles/article-pour-une-%C3%A9thique-contemporaine/<http://revegeneral.org/articles/index.php/telecharger-les-articles/articles/article-pour-une-%E9thique-contemporaine/>)
>
> Notons que si je classe Kant parmi les libéraux, cela est très marginal :
> la plupart de mes confrères ne seront pas d'accord. J'estime que Kant est
> bien un libéral, bien que peu de libéraux s'en réclament en tant que tel.
> Il a néanmoins fortement influencé la pensée libérale (mais pas que).
>
>
>  - De son côté, Mandeville peut être considéré comme le précurseur du
> libéralisme économique avec sa fable des abeilles : selon lui en effet, il
> n'est pas nécessaire de réguler les passions des hommes car,
> lorsqu'agrégés, « les vices particuliers font l'intérêt général ». Les
> fondateurs de la philosophie politique libérale (Locke, Rousseau – bien que
> ce dernier ne soit pas à proprement parler libéral) s'élèveront contre
> cette idée, en particulier Adam Smith, dont on fait pourtant le fondateur
> du libéralisme économique. A la vérité, cet auteur (Smith) n'emploie dans
> toute son œuvre que trois fois l'expression « Main invisible », et jamais
> dans le sens que l'on lui prête aujourd'hui d'une force autorégulatrice du
> marché. Il me semble que l'on peut à bon droit se demander si, dès-lors que
> l'on fait du marché une entité libre et autorégulatrice, l'on ne retire pas
> l'autonomie aux individus pour, de nouveau, la remettre entre les mains
> d'une puissance supérieure (le Capital , dirait Marx), ce qui serait
> radicalement contraire à l'esprit du libéralisme. Il est permis de
> questionner le lien fait classiquement, et qui pourtant ne va pas de soi,
> entre libéralisme et capitalisme.
>
>
>  - J. S.Mill inspire la politique et l'économie contemporaines en
> synthétisant l'utilitarisme de Bentham et le libéralisme d'Adam Smith. S'il
> se prononce en faveur de la libre concurrence, il ne va pas jusqu'à rejeter
> l'idée d’État, et met en avant le devoir de respect en un sens positif qui
> le rapproche de la notion de solidarité (ne pas violer la liberté d'autrui,
> ni permettre qu'elle soit violée) comme condition de la liberté en société.
>
>
>  - A la suite de cette série de transformations et de refondations, le
> libéralisme politique et le libéralisme économique évolueront de manière
> séparée et donneront lieu à diverses déclinaisons de degrés très variés.
> Ainsi, les libertariens se rapprochent d'un anarcho-capitalisme en
> réclamant un État minimal voire pas d’État du tout (minarchisme), misant
> sur la libre concurrence pour réguler le marché. D'autres objectent que la
> concurrence aboutit au monopole des puissants qui ont écrasé leurs
> adversaires. Sans aller jusqu'à la revendication communiste de l'abolition
> de la propriété privée (ce qui serait, là, radicalement antilibéral),
> certains auteurs libéraux, comme au premier chef Keynes mettent en avant la
> nécessité d'une certaine dose de régulation en raison de certaines
> rigidités et du caractère non absolument transparent du marché : les agents
> ne peuvent agir toujours de manière parfaitement rationnelle (ou qui
> paraîtrait telle dans un contexte global) notamment parce qu'ils ne
> disposent pas d'une vision complète du marché dans lequel ils s'insèrent.
>
> Notons que le classement à droite des libertariens peut être
> problématique, notamment du fait qu'il existe de libertariens dits « de
> gauche » : s'ils sont, eux aussi, favorables au recul maximal de l’État et
> au maintien du salariat et de la propriété privée, notamment des moyens de
> production, ce qui les met clairement hors du champ marxiste, ils défendent
> la collectivisation des ressources naturelles. En effet, entre
> l'acceptation et le rejet de la propriété privée, l'on pourrait se poser la
> bonne vieille question : qu'est-ce qui revient à César, à un tel et à tel
> autre ? A qui appartiennent légitimement les moyens de production, la force
> de travail, les ressources naturelles, le fruit du travail de telle ou
> telle personne ou organisation, etc. ?
>
>
>  S'ouvre alors la possibilité de penser, au delà de l'opposition frontale
> entre libéralisme(s) et antilibéralisme, peut-être un postlibéralisme qui,
> sans revenir sur les principes de libertés individuelles, rompe avec les
> postulats du libéralisme économique dans sa forme aujourd'hui dominante, et
> dont on voit bien qu'elle est gouvernée par des contradictions internes
> fortes qui ne peuvent aboutir qu'à des situations de crise et d'inégalités
> flagrantes (la liberté des uns s'obtenant au détriment de celle des
> autres). Il me semble qu'il s'agit là d'un enjeu majeur pour la pensée et
> l'action politiques contemporaines. Donc, le PP devrait se demander
> sérieusement comment il se positionne par rapport à ces différents auteurs
> et courants.
>
>
>  Notons enfin qu'il existe un « néolibéralisme » ou « ultralibéralisme »,
> formules désignant généralement l'idéologie des tenants d'un libéralisme
> économique radical, et donc favorables à une dérégulation massive du
> marché, un recul de l’État (diminution voire disparition des services
> publics, des charges salariales, de l'imposition...), une concurrence
> « libre et non faussée »... Je ne crois pas avoir à montrer quels écueils
> présente cette idéologie qui, depuis trente ans au bas mot, domine le monde
> occidental, et particulièrement depuis la chute du mur, gouverne l'ensemble
> de notre monde. Depuis l'invention du libéralisme, de nombreux théoriciens
> dans des domaines très variés (philosophie, politique, économie,
> sociologie, psychologie, psychanalyse...) ont montré que la conception
> libérale de l'individu et de la liberté sont largement erronées, et ont
> donc à être corrigées. Je propose que le PP s'engage dans cette voie, sa
> position dégagée des idéologies politiques traditionnelles lui permettant
> singulièrement de le faire. Il y a là une voie royale pour devenir la force
> politique qui inventera le monde de demain.
>
>
> Le 02/06/2012 10:56, Sammy Dia a écrit :
>
> Bonjour à tous, cela fait deux fois qu'on me pose cette question :
>
> Comment se situe votre mouvement par rapport au libéralisme ?
>
> Je dois vous avouer ne pas savoir quoi répondre, surtout que l'on ne
> parle pas que d'un point de vue économie ici.
> Une idée ?
> Merci,
> Sammy
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