[PP-discussions] Libéralisme ?

LHG lhg at revegeneral.org
Sam 2 Juin 17:12:39 CEST 2012


En bref, quelques pistes éclairantes, à défaut d'idées lumineuses (les 
excellents articles de Wikipedia concernant les auteurs, théories et 
courants que je cite constitueront un bon point de départ pour qui veut 
les explorer) :


- L'on attribue généralement la paternité de la doctrine de philosophie 
politique libérale à John Locke (pas celui de Lost ^^), mais il n'est 
pas le premier contractualiste : Hobbes l'a précédé sur ce terrain, et 
Locke et Rousseau furent ses principaux contradicteurs, présentant leurs 
propres visions du contrat social. Hobbes est à ce titre le précurseur 
tant du libéralisme politique que de l'Absolutisme et des totalitarismes 
contemporains. En fait, il est le père de la philosophie politique 
moderne et contemporaine en général, car il est le fondateur de 
l'individualisle et met précisément tout en oeuvre pour lutter contre 
cet individualisme « naturel » qu'il met au jour (le Leviathan comme 
pouvoir absolu né de la fusion des intérêts individuels, force politique 
qui au nom de l'intérêt commun pour la paix reçoit le monopole de la 
violence légitime, tous donnant un peu de liberté pour constituer une 
liberté supérieure, l'État, qui préservera leur sécurité, et donc la 
jouissance de ce qu'il leur reste de liberté).


- Locke définit la liberté comme propriété de soi, c'est à dire à la 
fois responsabilité (je suis seul responsable de mes choix et de mes 
actes) et un ensemble de droits universels (tout individu a droit à la 
liberté d'expression, de circulation, de convictions, etc.). Il édicte 
notamment le principe de tolérance qui fonde notre notion contemporaine 
de laïcité, même si celle-ci est aujourd'hui souvent exploitée (je n'ose 
subbodorer des tentatives de récupération...) dans un sens contraire aux 
thèses de Locke . Cette propriété de soi est un donné universel : tous 
les hommes naissent libres et égaux en droits et en devoirs ; tous sont 
d'emblée responsables. Trois siècles plus tard, Heidegger nous apprend 
que l'appropriation de soi ne va, justement, pas de soi et doit être 
effectuée de manière active par le sujet, de même qu'elle dépend de 
certaines conditions. Marx donnera certaines conditions matérielles ; 
Freud donnera des conditions psychologiques, d'autres mettront au jour 
des conditions sociologiques, etc. L'article vers lequel pointe le lien 
ci-dessous veut montrer en quoi la liberté de l'un est conditionnée par 
celle des autres.


- Locke et Rousseau inspireront fortement Kant qui définit la liberté 
comme Autonomie : responsabilité qui est à la fois droit et devoir de 
respect mutuel entre les hommes. J'ai écrit un article critique sur ce 
concept d'Autonomie, disponible ici : 
http://revegeneral.org/articles/index.php/ethique/68-articlepouruneethiquecontemporaine 
(pdf : 
http://revegeneral.org/articles/index.php/telecharger-les-articles/articles/article-pour-une-%C3%A9thique-contemporaine/ 
<http://revegeneral.org/articles/index.php/telecharger-les-articles/articles/article-pour-une-%E9thique-contemporaine/> 
)

Notons que si je classe Kant parmi les libéraux, cela est très 
marginal : la plupart de mes confrères ne seront pas d'accord. J'estime 
que Kant est bien un libéral, bien que peu de libéraux s'en réclament en 
tant que tel. Il a néanmoins fortement influencé la pensée libérale 
(mais pas que).


- De son côté, Mandeville peut être considéré comme le précurseur du 
libéralisme économique avec sa fable des abeilles : selon lui en effet, 
il n'est pas nécessaire de réguler les passions des hommes car, 
lorsqu'agrégés, « les vices particuliers font l'intérêt général ». Les 
fondateurs de la philosophie politique libérale (Locke, Rousseau -- bien 
que ce dernier ne soit pas à proprement parler libéral) s'élèveront 
contre cette idée, en particulier Adam Smith, dont on fait pourtant le 
fondateur du libéralisme économique. A la vérité, cet auteur (Smith) 
n'emploie dans toute son oeuvre que trois fois l'expression « Main 
invisible », et jamais dans le sens que l'on lui prête aujourd'hui d'une 
force autorégulatrice du marché. Il me semble que l'on peut à bon droit 
se demander si, dès-lors que l'on fait du marché une entité libre et 
autorégulatrice, l'on ne retire pas l'autonomie aux individus pour, de 
nouveau, la remettre entre les mains d'une puissance supérieure (le 
Capital , dirait Marx), ce qui serait radicalement contraire à l'esprit 
du libéralisme. Il est permis de questionner le lien fait classiquement, 
et qui pourtant ne va pas de soi, entre libéralisme et capitalisme.


- J. S.Mill inspire la politique et l'économie contemporaines en 
synthétisant l'utilitarisme de Bentham et le libéralisme d'Adam Smith. 
S'il se prononce en faveur de la libre concurrence, il ne va pas jusqu'à 
rejeter l'idée d'État, et met en avant le devoir de respect en un sens 
positif qui le rapproche de la notion de solidarité (ne pas violer la 
liberté d'autrui, ni permettre qu'elle soit violée) comme condition de 
la liberté en société.


- A la suite de cette série de transformations et de refondations, le 
libéralisme politique et le libéralisme économique évolueront de manière 
séparée et donneront lieu à diverses déclinaisons de degrés très variés. 
Ainsi, les libertariens se rapprochent d'un anarcho-capitalisme en 
réclamant un État minimal voire pas d'État du tout (minarchisme), misant 
sur la libre concurrence pour réguler le marché. D'autres objectent que 
la concurrence aboutit au monopole des puissants qui ont écrasé leurs 
adversaires. Sans aller jusqu'à la revendication communiste de 
l'abolition de la propriété privée (ce qui serait, là, radicalement 
antilibéral), certains auteurs libéraux, comme au premier chef Keynes 
mettent en avant la nécessité d'une certaine dose de régulation en 
raison de certaines rigidités et du caractère non absolument transparent 
du marché : les agents ne peuvent agir toujours de manière parfaitement 
rationnelle (ou qui paraîtrait telle dans un contexte global) notamment 
parce qu'ils ne disposent pas d'une vision complète du marché dans 
lequel ils s'insèrent.

Notons que le classement à droite des libertariens peut être 
problématique, notamment du fait qu'il existe de libertariens dits « de 
gauche » : s'ils sont, eux aussi, favorables au recul maximal de l'État 
et au maintien du salariat et de la propriété privée, notamment des 
moyens de production, ce qui les met clairement hors du champ marxiste, 
ils défendent la collectivisation des ressources naturelles. En effet, 
entre l'acceptation et le rejet de la propriété privée, l'on pourrait se 
poser la bonne vieille question : qu'est-ce qui revient à César, à un 
tel et à tel autre ? A qui appartiennent légitimement les moyens de 
production, la force de travail, les ressources naturelles, le fruit du 
travail de telle ou telle personne ou organisation, etc. ?


S'ouvre alors la possibilité de penser, au delà de l'opposition frontale 
entre libéralisme(s) et antilibéralisme, peut-être un postlibéralisme 
qui, sans revenir sur les principes de libertés individuelles, rompe 
avec les postulats du libéralisme économique dans sa forme aujourd'hui 
dominante, et dont on voit bien qu'elle est gouvernée par des 
contradictions internes fortes qui ne peuvent aboutir qu'à des 
situations de crise et d'inégalités flagrantes (la liberté des uns 
s'obtenant au détriment de celle des autres). Il me semble qu'il s'agit 
là d'un enjeu majeur pour la pensée et l'action politiques 
contemporaines. Donc, le PP devrait se demander sérieusement comment il 
se positionne par rapport à ces différents auteurs et courants.


Notons enfin qu'il existe un « néolibéralisme » ou « ultralibéralisme », 
formules désignant généralement l'idéologie des tenants d'un libéralisme 
économique radical, et donc favorables à une dérégulation massive du 
marché, un recul de l'État (diminution voire disparition des services 
publics, des charges salariales, de l'imposition...), une concurrence 
« libre et non faussée »... Je ne crois pas avoir à montrer quels 
écueils présente cette idéologie qui, depuis trente ans au bas mot, 
domine le monde occidental, et particulièrement depuis la chute du mur, 
gouverne l'ensemble de notre monde. Depuis l'invention du libéralisme, 
de nombreux théoriciens dans des domaines très variés (philosophie, 
politique, économie, sociologie, psychologie, psychanalyse...) ont 
montré que la conception libérale de l'individu et de la liberté sont 
largement erronées, et ont donc à être corrigées. Je propose que le PP 
s'engage dans cette voie, sa position dégagée des idéologies politiques 
traditionnelles lui permettant singulièrement de le faire. Il y a là une 
voie royale pour devenir la force politique qui inventera le monde de 
demain.



Le 02/06/2012 10:56, Sammy Dia a écrit :
> Bonjour à tous, cela fait deux fois qu'on me pose cette question :
>
> Comment se situe votre mouvement par rapport au libéralisme ?
>
> Je dois vous avouer ne pas savoir quoi répondre, surtout que l'on ne
> parle pas que d'un point de vue économie ici.
> Une idée ?
> Merci,
> Sammy
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