[PP-discussions] De l’utilisation en interne de la démocratie liquide publique

Maxime Rouquet maxime.rouquet at partipirate.org
Sam 14 Juil 23:10:41 CEST 2012


On 07/14/2012 09:10 PM, discussion at partipirate.re wrote:
> Il va falloir préparer une argumentaire simple, clair, précis et court
> pour éventuellement devoir expliquer à nos concitoyens : pourquoi le
> Parti pirate considère anticonstitutionnel le vote électronique et
> saisit le Conseil Constitutionnel alors que nous tentons en interne
> d'installer un outils de vote électronique. /
> "A vos claviers vous avez 2h après je relève les copies." :-)

Je le fais en une phrase :

Le Parti Pirate est contre le _vote_ _électronique_ à scrutin _secret_.

Cela a toujours été le cas et c'est cela qu'on attaque devant le Conseil
constitutionnel.

En interne, nous pouvons donc installer :
 – soit un outil électronique de _vote_ à scrutin _public_ ;
 – soit un outil électronique de _consultations_ à scrutin _secret_.

Mais pas d'outil de _vote_ électronique à scrutin _secret_.

> Je vais volontairement exagérer mon propos en espérant ainsi faire
> progresser le débat : l’un des problèmes de notre démocratie
> contemporaine est justement l’anonymat du vote. Si l’on considère que le
> vote consiste à exercer un pouvoir alors ce pouvoir implique
> fondamentalement la notion de responsabilité. Il en va de même pour les
> personnes à qui nous déléguons notre représentation.

Je fais personnellement la distinction entre le vote des citoyens et le
vote des responsables politiques. Je n'ai pas à savoir pour qui mon
voisin vote (sauf si lui le rend volontairement public). En revanche,
j'ai envie de savoir ce que mon député vote à l'Assemblée nationale.

La nuance est plus ou moins la même que celle entre vie privée et vie
publique. (Rappel : au PP, nous défendons à la fois la transparence de
la vie publique et le respect de la vie privée.)

> Il n’est pas possible d’évoluer si l’on n’assume pas les conséquences de
> ces choix. L’anonymat du vote entraine une remise en cause de l’élu plus
> que de l’électeur. Je vais prendre un exemple en fustigeant les
> électeurs qui ont élu un président et qui quelques mois après ne le
> jugent pas satisfaisant, d’après les sondages d’opinion. (Toute
> ressemblance avec la réalité est volontaire :wink: )

Attention : l'élection ne consacre jamais que "le moins pire". Lorsqu'on
a le choix entre Charybde et Scylla, ça ne veut rien dire que la cote de
popularité du "vainqueur" soit de 30% après l'élection. S'il faut
changer quelque chose, c'est le système.

> - les pressions sont faites (certes différemment) en amont du vote s’il
> est anonyme et deviennent répressives si elles sont en aval

(Je ne comprends pas comment on peut subir de pressions répressives en
aval d'un vote anonyme ?)

> [RAJOUT POSTERIEUR: - le vote sur les idées n'a pas besoin d'être
> anonyme car (en théorie) chacun est libre de ses opinions et de leur
> expression, j'admet que le vote pour une personne fait intevenir les
> égos et donc explique l'utilisation du secret.

La clé est probablement dans le niveau d'implication.

Un simple citoyen qui élit un représentant ou une personne en général
doit pouvoir le faire sous couvert du secret, pour éviter rancunes et
pressions.

Même pour le vote sur les idées, ça ne serait pas une bonne chose. Il y
a des sujets sur lesquels il vaut mieux que l'on ne sache pas ce que
voterait son voisin. La peine de mort, le mariage aux personnes de même
sexe, le droit de se dissimuler le visage sur la voie publique : il y a
des sujets pour se prendre la tête partout.

Sans compter ceux qui se précipiteraient sur les résultats publics pour
voir si les Mohammed quelque-chose votent pareil que les quelque-chose
Lévy, ou autres statistiques tendancieuses...

Pour le reste, la démocratie liquide pose un paradoxe intéressant : si
un membre de la communauté délègue son pouvoir de vote à un autre, ne
devrait-il pas pouvoir connaître ce qui aura été voté avec son pouvoir ?
Inversement, puisqu'il délègue son pouvoir de vote, ce qui revient à une
sorte d'élection permanente, les délégations de la démocratie liquide ne
devraient-elles pas être secrètes ?

> (D'où l'intéret majeur du tirage au sort des représentants)

C'est une piste à creuser, mais attention à ne pas l'ériger en recette
magique. Les plates-formes électronique implémentant le concept de
démocratie liquide, comme LiquidFeedback, ouvrent de nombreuses
perspectives enthousiasmantes, mais amènent également leur lot de
particularités et de défauts (comme le débat présent sur le secret du
vote le met en avant). C'est pareil avec le tirage au sort.

Le tirage au sort fonctionne pour des assemblées décisionnelles larges
ou sur des sujets sans risque de conflit d'intérêt. Et surtout,
lorsqu'on est sûr d'avoir suffisamment de volontaires à la base.

À Athènes, les chambres tirées aux sorts comptaient des centaines de
membres, ce qui permet une représentativité relative de la société et
diminue les risques de conflits d'intérêts. Notre système de jury
populaire en assise tire au sort des collèges plus restreints (de
l'ordre de plus ou moins une demi-douzaine de membres), mais ceux-ci ne
se prononcent que sur des cas de crimes graves (meurtres, viols, etc.)
où il est raisonnable de supposer que leurs intérêts individuels
n'entreront pas en jeu suffisamment pour influencer leur jugement.

Mais si l'une de ces deux conditions n'est pas remplie, on va droit à la
catastrophe. Imaginons que nous prenions une instance de taille modeste
mais qui s'exprime sur une variété large de sujets, comme le
gouvernement... ou le Conseil constitutionnel puisqu'on en parlait
précédemment ! Si nous tirions au sort les 9 "sages" du Conseil, peut-on
vraiment espérer que les décisions soient justes, impartiales, précises
et efficaces ? J'en doute franchement, ne serait-ce qu'en regardant la
quantité de travail et la précision juridique nécessaires.

Le système actuel de nomination au Conseil constitutionnel a des
défauts, c'est sûr. Mais tirer au sort ses membres ne corrigerait pas le
problème : il faudrait un changement plus en profondeur de toute manière.

Le second point à prendre en compte est le nombre de volontaires. À la
dernière assemblée générale du Parti Pirate, il y avait plus de siège au
Conseil National qu'il n'y avait d'élus : un tirage au sort n'y aurait
rien changé... à part qu'avec notre système de vote basé sur la méthode
de Schulze, les adhérents auraient pu bloquer des candidats n'étant pas
assez bons ! Ce n'est pas arrivé, mais au moins les adhérents en
avaient-ils la possibilité.

Tant que ces deux facteurs (faible risque de conflit d'intérêt, et très
grand nombre de volontaires) ne seront pas satisfaits, le tirage au sort
sera un plus mauvais système que l'élection. Et même dans les cas où ces
deux facteurs seraient satisfaits, encore faudrait-t-il donner aux tirés
au sort les connaissances nécessaires pour remplir leur mission (pour
reprendre l'exemple du Conseil constitutionnel, au moins quelques années
d'étude du droit...)

La vidéo suivante (d’Étienne Chouard) exprime bien les avantages du
tirage au sort, en abordant certains de ces aspects :
http://partipirate.org/blog/com.php?id=1416

Piratement,

m



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