[PP-discussions] EELV et la liberté de la presse
Erwan Legrand
partipirate at erwan.legrand.name
Mar 4 Oct 11:51:31 CEST 2016
2016-10-03 19:08 GMT+02:00 Mistral Oz <mistral.oz at partipirate.org>:
> En fait, je m'en fout un peu d'EELV et l'article de presse, je ne suis pas
> en mesure de juger de la véracité de toutes les informations données et
> dénoncer des pratiques n'a jamais été un mal. Libre au lecteur d'en tirer ce
> qu'il veut en tirer. L'auteur ici prend un parti très clair, ce n'est pas un
> article "objectif", c'est un article à charge. Si on devait exclure tous les
> journalistes qui prennent position, on en finirait plus alors bref, je
> passe.
Je reformule : les pressions exercées par des politiciens sur un
organe de presse te laissent indifférent. Est-ce que j'ai bien compris
?
> Par contre, tes remarques sont assez choquantes, Erwan car tu te veux à la
> fois membre du Parti Pirate. Tu prend le même biais que le journaliste à
> n'écouter que les éléments qui arranges ta thèse.
C'est ce que tu crois. Les grands médias (journaux, télévision) ainsi
que le Web militant relaient très majoritairement un discours vantant
les mérites supposés de l'agriculture biologique. Je suis exposé en
permanence à ce discours, comme chacun de nous. (Quoique j'aie
volontairement réduit mon exposition aux médias au fil des ans.) Au
passage ce discours dominant nous informe bien mal, puisque la
majorité des Français pensent qu'on n'utilise pas de pesticides en
agriculture biologique ! (Sondage réalisé le mois dernier.)
Je suis issu d'un milieu intellectuel des classes moyennes ("de
gauche") qui est je crois la cible du marketing "bio". La première
fois que j'ai entendu parler d'agriculture biologique, un type à la
radio vantait les mérites des engrais "naturels" par opposition aux
engrais "chimiques". (C'est-à-dire industriels en bon Français : toute
matière est chimique et naturelle.) Cela m'a spontanément paru idiot :
je suis un peu Breton et la Bretagne a été très largement polluée par
l’épandage massif de lisier de porc, engrais "naturel" s'il en est.
Des années plus tard un collègue Juif à qui une collègue demandait
pourquoi il s'était mis à manger casher nous a dit qu'il l'avait fait
parce tout le monde autour de lui s'était mis à faire pareil.
Autrement dit, le changement s'est opéré chez lui par réflexe
grégaire, ce qui n'a pas manqué de me frapper. Or ce n'est que des
années après que j'ai réalisé que j'avais fait la même chose. Je
m'étais mis à manger "bio" sous la pression de mon entourage, tout
aussi ignare que moi. La paille et la poutre...
Les journalistes font typiquement partie de ce milieu dans lequel le
"bio" fleurit. C'est le milieu qui préférait avoir tort avec Sartre
plutôt que raison avec Aron, lequel Aron avait écrit "L'opium des
intellectuels", essai décrivant la propension des intellectuels
français (dont son copain Sartre) à propager la mythologie
révolutionnaire. Malheureusement, Aron avait cent fois raison et après
Staline de nombreux intellectuels ont soutenu Mao et Pol Pot. Et il y
a eu d'autres opiums des intellectuels : la psychanalyse ou un certain
écologisme qui me parait aujourd'hui - après analyse des faits tels
que j'ai pu les assembler - écolo-illogique.
Un autre indice pointant vers cet aspect grégaire (et un peu
classiste) du bio : aux USA ont drague dans les magasins Whole Foods
et dans les rayons bio. C'est un bon moyen pour un(e) libéral(e) de
rencontrer une personne du même milieu social. On évite ainsi les
pauvre et les conservatrices/conservateurs.
Bref, mon intention était de montrer à quel point on n'entend qu'un
seul son de cloche et de dénoncer les pressions subies par ceux qui
osent exprimer un avis différent. Je vais tout de même répondre au
reste.
> L'agriculture bio, moins productive que l'agriculture "conventionnelle", ça
> reste à prouver.
Une étude récente favorable au "bio" dit que celui-ci produit 20% de
moins (et espère réduire cette différence à 9% à l'avenir) :
https://news.berkeley.edu/2014/12/09/organic-conventional-farming-yield-gap/
L'USDA (le ministère US de l'agriculture) a publié des chiffres bien
plus détaillés qui inspirent beaucoup moins d'optimisme :
http://www.forbes.com/sites/stevensavage/2015/10/09/the-organic-farming-yield-gap
Un problème connexe est l'imprévisibilité. Dans certains types de
culture, une production "bio" annuelle est susceptible d'être
totalement détruite par un imprévu. C'est ce qui explique le retour au
"conventionnel" de certains agriculteurs "bio".
> Vraiment on ne doit pas avoir la même chose dans nos assiettes car pour acheter
> souvent des produits conventionnels, plein d'eau, pourris et arrosés aux
> pesticides jusqu'à la veille de la récolte (voir même après la récolte !),
> je me demande parfois si je ferai pas mieux de ne rien manger du tout que
> manger ça. Inversement, les produits bios (et les quelques fois les produits
> conventionnels "raisonnés"), on a quand même plus à manger...
Là, c'est ta subjectivité qui s'exprime. Je vois assez peu de
différence à variété identique entre les produits "bio" vendus en
grande surface et les produits conventionnels vendus dans le même type
d'enseigne. Pendant un moment, j'ai trouvé des variétés de tomates
plus savoureuses en magasin "bio" qu'en marché ou supermarché
généraliste. Mais ça n'est plus le cas aujourd'hui. (Et on est
toujours loin des "vraies" tomates de mon enfance qui étaient un fruit
d'été à la chair molle et savoureuse et dont la peau très fine se
déchirait systématiquement lorsque le fruit était mur.)
> Enfin je te demanderai bien comment tu compte nourrir la planète avec du
> maïs transgénique, non reproductible (en fait, si, mais qui produit des
> plans détériorés), avec le déboisement qui cause des dégâts considérables et
> avec les nappes phréatiques détruites et contaminées.
Les OGM ne sont pas le problème. Le "bio" est minoritaire dans la
production française et pourtant on ne cultive pas d'OGM en France, vu
qu'on leur interdit. Donc "conventionnel" n'est pas synonyme d'OGM.
(Et je suis au passage d'accord sur le fait que la "propriété
intellectuelle" appliquée a vivant est source de problèmes.)
En France, on ne déboise pas : on reboise. Et si la superficie des
forêts s'étend, c'est grâce à la disparition d'exploitations agricoles
dédiées à l'alimentation. Si les exploitations disparaissent, c'est
grâce aux gains de productivités.
Les nappes phréatiques contaminées sont un vrai problème. Je suis
d'accord avec toi là-dessus. J'ai particulièrement été marqué enfant
par la disparition d'un certain nombre d'eau de sources bretonnes.
Mais je me souviens aussi de l'analyse qui était faite à l'époque des
causes. Lorsque j'étais gosse, le bocage breton traditionnel entourait
tous les champs de talus et haies. La tempête de 1987, des maladies
qui ont décimé certaines espèces d'arbres et les agriculteurs rognant
les bords pour étendre au maximum la surface exploitée ont changé tout
cela. Les conséquences ne sont pas seulement esthétiques, la
biodiversité a été détruite (les bestioles vivant majoritairement dans
les surfaces inexploitées, pas dans les champs), les sols ont souffert
de l'érosion et du "lessivage". Il a fallut augmenter la quantité
d'engrais (beaucoup de lisier de porc tout ce qu'il y a de plus "bio"
comme je disais plus haut). Ceux-ci ont été entraînés par le
ruissellement dans les cours d'eau, les nappes phréatiques et le
littoral, provoquant la prolifération d'algues vertes. Donc, pour
autant que je puisse voir, la solution pour luter contre la pollution
des nappes phréatiques se trouve plutôt dans la lutte contre l'érosion
des sols. Le choix entre engrais "bio" ou non ne me parait en revanche
pas très pertinent.
> Faut croire que ces
> arguments n'ont pas de valeurs à tes yeux face à "un machin qui n'a pas fait
> ses preuves après tout ce temps" ... (je te rappelle quand même que si y a
> bien un truc qui a besoin de faire ses preuves, c'est l'agriculture OGM et
> chimique : tu inverse un peu la charge de la preuve dans l'histoire car le
> bio il a existé un sacré paquet de siècles et il a survécu à pas mal de
> crises, j'attends de voir pour ce que tu appelle "conventionnel"... ).
Ce n'est pas moi qui appose des adjectifs tels que "conventionnel" ou
"bio" sur certaines pratiques. Je ne fais que me plier à un usage qui
me parait aberrent. Toute agriculture est biologique au sens propre.
L’agriculture dite conventionnelle a fait ses preuves en termes de
productivité et de sécurité sanitaire. Elle a en revanche causé de la
pollution, et des ravages esthétiques. L’agriculture dite "biologique"
n'est pas l'agriculture de grand-papa dans son verger privatif. Pour
preuve, les fruits bios ne sont pas pleins de vers comme l'étaient
ceux de grand-père. Ceci est dû au fait que l'agriculture "biologique"
utilise des pesticides.
> Si le journaliste a raison de dire que Bio ne veut pas dire bien, tu vas
> gravement loin en disant que le bio est le mal.
Ça, c'est la figure rhétorique de l'épouvantail, un classique en
politique : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pouvantail_(rh%C3%A9torique)
Je n'ai pas dit que le "bio" était "le mal". Je ne crois ni au bien,
ni au mal. Et d'expérience le "bien" est un concept qui sert
régulièrement à justifier toutes sortes d’atrocités. Bref, il
semblerait que dans la pratique le "bien" engendre le "mal".
D'ailleurs, j'achète toujours des œufs "bio". La boite verte est un
moyen simple pour moi de repérer des œufs pondus par des animaux
vivant en plein air et recevant une alimentation pas trop déconnante.
J'achète aussi du vinaigre de cidre "bio" parce que j'aime le fait
qu'il ne soit pas filtrer. La manie du tout lisse, tout uniforme, tout
transparent ne me plaît pas.
Le "bio" n'est qu'une norme de plus qui essentiellement interdit
l'utilisation de certains produits au bénéfice d'autres en fonction
d'un critère idéologique. Le "bio" est susceptible d'utiliser des
produits plus dangereux pour la santé ou l'environnement parce que
dans certains cas les alternatives plus sûres sont réservées au
"conventionnel". Il suffit de se renseigner sur les pesticides bio
comme le sulfate de cuivre ou la roténone pour s'en convaincre.
> Tu veux vraiment la liste des scandales sanitaires liés aux produits
> chimiques ?
Il y a deux erreurs ici. Premièrement, tu sembles croire comme la
majorité des Français que le "bio" n'utilise pas de produits
chimiques. C'est faux. Deuxièmement, il faudrait comparer les
bénéfices aux risque pour obtenir un jugement juste. Les pesticides,
aussi appelés produits phytosanitaires, ont entre autre intérêt
d'éviter la prolifération d'agent pathogène. La santé publique est un
bon exemple de "calcul utilitariste".
> Lorsqu'on parle d'agriculture, on parle pas d'un truc utilisé par 10
> personnes dans un coin. Qu'il y ait des erreurs et des conséquences à de
> mauvais choix (politiques), c'est une chose mais de là à ne lister que les
> scandales sur la bio alors que c'est une paille, c'est se foutre du monde.
Certes, mais dans le même temps, le "bio" ne représente qu'une toute
petite partie de la production. Que cette toute petite partie engendre
des scandales sanitaires n'est pas bon signe.
Erwan
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