[PP-discussions] julia, au rapport, ce matin ds les échos..

renc rencontres3 at gmail.com
Ven 27 Mar 07:45:36 CET 2015


Enjoy...

Julia Reda, une « pirate » à Bruxelles

La jeune Allemande de vingt-huit ans, seule élue du Parti pirate au
Parlement européen, est chargée d'un rapport d'évaluation sur le droit
d'auteur en Europe. Réformateur, son texte a mis vent debout le milieu
culturel parisien, qui s'active en coulisses pour faire valoir ses vues.
Mais la « corsaire » est coriace…

*Je m'appelle Julia, je suis la pirate du Parlement européen. Je me bats
pour créer un droit d'auteur unique, progressiste et compatible avec le
futur en Europe. Vous m'aidez ? »*

C'est un peu décevant, mais « Julia » ne présente pas l'allure d'une grande
corsaire, ni même d'une petite flibustière. Celle qui a mis vent debout les
ayants droit de France et de Navarre revêt un air sage et bien élevé, porte
des lunettes rectangulaires au-dessus du nez et un casque blond sur le
front. A Bruxelles, Julia Reda arbore même un costume étonnant pour une «
pirate » - tailleur sombre et chemisier propret. *« Avec mon tee-shirt, je
ressemble à une stagiaire »*, sourit l'Allemande de vingt-huit ans.
Concrètement, le seul signe d'un quelconque lien avec Barbe-Rouge s'avère
être un drapeau « tête de mort » épinglé au mur de son bureau… à côté d'un
poster de Conchita Wurst paré de petits coeurs - ce qui coupe aussitôt
l'effet.

*« Bonjour ! »*, lance-t-elle à ses visiteurs français. Par la force des
choses, la jeune femme a appris trois mots de notre langue. Il lui faudra
au moins ça lors de sa venue dans l'Hexagone, le 2 avril, pour une audition
au Sénat. Ici, le petit milieu culturel, qui adopte un air consterné - ou
rageur, c'est selon - à l'évocation de son nom, l'attend de pied ferme : la
seule élue du Parti pirate sur les 751 députés du Parlement européen est
chargée depuis septembre d'un rapport sur la mise en oeuvre de la directive
de 2001 - celle qui fixe le cadre communautaire en vigueur sur le droit
d'auteur. L'un des joyaux de la Couronne de l'exception culturelle à la
française. Un tabou, ou presque.

Depuis sa nomination, la députée allemande essuie un véritable tir de
barrage en provenance de Paris, où l'on s'agace de la volonté bruxelloise
de réforme. Ayants droit, parlementaires, financeurs, diffuseurs… Tout le
monde y est allé de son boulet. Jusqu'à Fleur Pellerin, la ministre de la
Culture, qui se demandait, dès novembre, si c'était là *« le meilleur moyen
de favoriser une réflexion sereine »*. A dire vrai, le feu tricolore s'est
fait plus nourri depuis la publication du texte, le 15 janvier. *« C'est
comme si on demandait au renard de faire le règlement intérieur du
poulailler »*, s'insurge ainsi le PDG d'Hachette, Arnaud Nourry, mi-mars.

Ce rapport ? *« C'est du vol »*, c'est *« immonde »*, s'emporte toujours
Sophie Deschamps, la présidente de la Société des auteurs et compositeurs
dramatiques. «* L'objectif, c'est la destruction de la propriété
intellectuelle ! »,* éructe Pascal Rogard, son directeur général. *« En
deux mois, elle a réussi à connaître toutes les législations d'Europe !
Moralité : elle n'a pas du tout bossé ! »*
Choc de générations

Derrière son bureau bruxellois, campée dans son fauteuil, Julia Reda
encaisse silencieusement. Déglutit. Et fait fuser la réplique : *« Je
travaille sur le sujet depuis des années, je suis venue ici pour ça, je ne
fais que ça. J'ai un staff, des experts. Un député français a dit que
j'étais trop jeune. C'est facile. C'est plus délicat de justifier le statu
quo. »* La carapace n'est pas une affaire d'âge. C'est une question
d'expérience : *« Julia s'est déjà imposée chez les Pirates allemands. Ce
n'est pas rien pour une jeune femme. Elle a l'habitude des attaques
personnelles »*, précise Anne-Catherine Lorrain, sa conseillère.

Si les deux camps se parlent (un peu), ils ne se comprennent pas
(toujours). Les logiciels sont trop distincts. Elle veut moderniser, ils
souhaitent conserver. Elle pense simplicité, eux mettent en avant la
complexité. Ils parlent filière, elle parle consommateur. Elle évoque
l'Europe, eux s'abritent derrière des frontières. Quand elle met sur son
blog un texte à tweeter (*« Le droit d'auteur n'a jamais été un combat
entre les pirates et les artistes »)*, ils arpentent les lambris
ministériels. De l'extérieur, c'est un peu le choc des générations, voire
des civilisations. En réalité, c'est plus complexe - comme le sujet.

Fascinée par Internet - *« surtout Wikipedia » -* dès douze ans, Julia Reda
se lance en politique à seize. Après une enfance partagée entre Bonn et
Berlin, auprès de parents traducteurs, l'adolescente rejoint le SPD, le
parti de centre gauche allemand.* « J'aimais l'idée d'aider les moins
favorisés et d'encadrer le capitalisme. »* En 2009, c'est le divorce. Elle
quitte le parti, écoeurée par une loi sur la surveillance du Net. *« **En
Allemagne, les politiques ne comprennent pas le numérique. Ils pensent que
ce n'est qu'un prolongement de la révolution industrielle. En fait, c'est
une nouvelle révolution industrielle »*.

Julia Reda atterrit alors chez les Pirates allemands, un attelage de geeks
citoyens. Y prend vite du galon, devient présidente des Jeunes Pirates
d'Allemagne, puis d'Europe. *« On veut adapter la société au nouveau monde
en préservant les valeurs »*, résume-t-elle. Viennent les élections
européennes de 2014. A peine diplômée d'un master en science politique et
en journalisme à l'université… Gutenberg de Mayence, elle sillonne les
routes, dort sur des dizaines de canapés différents. La campagne du Parti
pirate s'achève en mai, avec 1,5 % des voix. Tête de liste, Julia Reda est
l'unique élue de son parti.

Elle débarque à Bruxelles le lendemain de l'élection, *« pour trouver un
groupe d'affiliation »*. Ce sera les Verts, avec qui elle négocie la
vice-présidence du groupe. Plus une place à la commission des Affaires
juridiques, «* où il y a eu ce rapport à faire. J'ai postulé »*. Les «
combinazione » entre partis font le reste, et voilà notre pirate chargée
d'une étude du droit d'auteur en Europe, son rêve. Pour elle, rien ne va
plus. *« On ne sait pas ce qu'on peut faire en ligne. Les règles ne sont
pas les mêmes d'un pays à l'autre. Avec le numérique, le droit d'auteur
devient un sujet grand public. Il faut le mettre à jour : aujourd'hui, ni
artistes ni les consommateurs ne s'y retrouvent »*, argue celle qui compare
Internet à *« une photocopieuse géante »*.

Dans son texte, plusieurs propositions phares. Un droit d'auteur unique en
Europe. La reconnaissance de la liberté des auteurs à renoncer à leurs
droits. L'harmonisation des exceptions, et du barème de la copie privée.
L'alignement de la durée des droits sur la convention de Berne, soit
cinquante ans, pas plus. La protection de la réutilisation des oeuvres
tombées dans le domaine public, la lutte contre les systèmes de blocage
géographiques (geo-blocking) ou techniques (DRM).

Des idées structurantes mais légèrement nébuleuses pour le profane,
auxquelles s'ajoute une poignée d'articles plus grand public : le droit de
faire des photos dans un espace public sans réfléchir, d'utiliser librement
des vidéos ou des sons pour des parodies ou des caricatures, la possibilité
pour les bibliothèques de prêter des livres numériques. Ou encore la
création d'un droit de « courte citation » audiovisuel, l'élargissement de
l'exception de droit d'auteur pour la recherche ou l'enseignement. *« Ce
que je veux, c'est qu'on puisse faire une parodie du clip de "Happy" sans
risque, ou regarder une série grâce à son abonnement dans n'importe quel
pays d'Europe*, synthétise Julia Reda. *En interne, certains pirates me
reprochent de ne pas être assez radicale. Mais, à Bruxelles, on fait des
petits pas. »*

Reste que les petits pas des uns sont parfois les grandes foulées des
autres. A la lecture du rapport, les ayants droit français partent à
l'abordage. «*Mon problème, c'est le parti pris de dire que le marché
numérique unique n'existe pas à cause du droit d'auteur »*, s'indigne Hervé
Rony, le directeur général de la Société civile des auteurs multimédias. A
l'Adami (gestion des droits des auteurs-interprètes), Bruno Boutleux, le
directeur général, reconnaît que le numérique a assez de *« conséquences
sur la création pour rénover la directive ». *Mais il pointe la méthode : *«
Le rapport ne correspond pas au cahier des charges. Ce sont des
propositions, pas une évaluation ! »* Pas question non plus de toucher à la
copie privée ou aux barrières nationales. *« La France dispose de l'un des
droits les plus protecteurs. Il y a un risque d'affaiblissement du secteur
en cas de réforme »*, avertit Bruno Boutleux.
« Franchement, elle est rafraîchissante »

Certains Français viennent bien au secours de Julia Reda, mais ils sont
rares. *« Ce rapport, c'est courageux de sa part, surtout la partie
"geo-blocking" et copie privée *», note Loïc Rivière, de l'Association
française des éditeurs de logiciels. *« Son texte est très modéré,
contrairement à ce que disent certains. Nous, on serait allés bien plus
loin »*, estime Adrienne Charmet, de la Quadrature du Net. La concernée
elle-même s'amuserait presque de la vigueur de la riposte du milieu
culturel. *« C'est marrant. Ceux qui se battaient contre moi veulent
aujourd'hui absolument me voir. J'ai diffusé toutes leurs demandes de
rendez-vous sur mon blog. »* Ses détracteurs ont également déposé des
amendements à son texte : plus de 550, eux aussi décortiqués sur le site de
la députée.

De fait, c'est le branle-bas de combat à Paris. Le gouvernement suit de
près le dossier - une note fouillée a été envoyée en janvier aux
parlementaires français à Bruxelles. Là où Jean-Claude Juncker, le
président de la Commission, a érigé la construction d'un marché unique du
numérique en priorité. Ce qui fait rire un représentant d'ayants droit : *«
Demandez aux Européens, dans la rue, si le droit d'auteur est un sujet de
préoccupation.»*Jean-Marie Cavada, lui, s'en inquiète : « *Juncker veut
faire un grand marché numérique*, explique le député français à Bruxelles
le plus actif sur le sujet. *Soit. Mais on ne peut le laisser s'attaquer à
la culture et aux contenus, c'est la seule chose qui nous reste en Europe !
»*, dénonce celui qui s'est fait *« asperger »* par des milliers d'e-mails
envoyés par les Pirates.

Une réponse à la masse d'amendements déposés ? Peut-être… Ce qui est
certain, c'est que *« ça va remuer sur le sujet dans les prochains mois »*,
prévient l'élu. Le vote sur le rapport devrait avoir lieu en juin, au
moment où la Commission commencera à se pencher vraiment sur le droit
d'auteur. L'issue de la bataille est incertaine. Seule contre beaucoup,
Julia Reda n'en dispose pas moins de munitions politiques bien calibrées. *«
Son site Web est vraiment bien fait,* admire un lobbyiste
bruxellois.*Franchement,
elle est rafraîchissante. » *Un autre renchérit : *« Elle essaie de bloquer
dans un coin les Français, ses opposants les plus hostiles. C'est malin, il
ne faut pas la sous-estimer. »*

La semaine dernière, elle s'est même permis de « troller » Fleur Pellerin
sur Twitter, à propos d'un cliché d'un Bonnard publié sans précaution. *«
Je ne comprends pas pourquoi elle, qui était pour une Europe du numérique à
son précédent poste, n'est pas pour une Europe des droits d'auteur. L'un va
avec l'autre. »* Julia Reda compte consacrer sa prochaine décennie au droit
d'auteur et se délecte d'avance du combat qui aura forcément lieu avec
l'avènement des imprimantes 3D. Elle aura encore moins le temps de jouer à
la guitare, sa détente, ou de passer voir ses amis du « Hacker Space » de
Bruxelles, où elle fabrique des objets. Ce n'est pas encore l'île de la
Tortue, le légendaire repaire des pirates des Caraïbes, mais c'est déjà un
peu plus effrayant.
Les points à retenir

Depuis la publication de son rapport, le 15 janvier, la députée allemande
essuie un véritable tir de barrage en provenance de Paris.
Ayants droit, parlementaires, financeurs, diffuseurs... Tout le monde y est
allé de son boulet. Et le gouvernement suit de près le dossier.
Seule contre beaucoup, Julia Reda n'en dispose pas moins de quelques
munitions politiques.
Le vote sur le rapport devrait intervenir en juin... et l'issue de la
bataille est incertaine.
Par Julien Dupont-calbo
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