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Garreau, Alexandre galex-713+pirate at galex-713.eu
Dim 2 Nov 18:31:48 CET 2014


Le 02/11/2014 à 16h13, Nicolas Petitdemange a écrit :
> Yop la boum, allez j'interviens ;)
>
> Tout d'abord, merci pour ce débat, ça fait plaisir de vous lire. Donc
> merci merci merci !

Je suis content que tu apprécies l’échange :)

> Ensuite, je vais venir avec mon regard de béotien d'un monde sans
> argent. J'avoue que je n'arrive pas à imaginer COMMENT on va vivre sans
> (argent ou trop hein, là-dessus je suis d'accord, c'est pareil).

C’est normal, vu l’éducation et le bourrage de crânes de nos jours, et
le capitalisme qui tente de tout rendre dépendant de l’argent et de
faire passer la moindre interaction par l’argent, il est tout à fait
normal de ne plus voir comment la société marche sans argent. C’est la
plus grande force du capitalisme.

> Je m'explique, et je ne critique pas le fond hein, je précise.
>
> J'ai 32 ans. J'ai deux enfants, je suis marié et j'ai une maison (et une
> voiture). J'ai un travail et ma femme aussi. En vous lisant, j'ai un peu
> l'impression d'être l'ennemi. Ou d'être l'idiot qui n'a pas compris la
> vie. Que mon mode de vie est "mal", que je refuserais d'affronter la
> liberté.
>
> Attention, je précise bien que c'est mon ressenti, ce n'est pas ce que
> vous dites, mais ce que je RESSENS !

Oui je vois tout à fait :) Le fait à comprendre est que ce mode de vie
est hautement encouragé et valorisé par le système actuel. Déjà que dans
un tel système on a souvent pas le choix de devoir travaillé, et il est
important de comprendre qu’il est inutile et même contreproductif de
culpabiliser ceux qui se retrouvent dans ces conditions. On voit
d’ailleurs souvent des marxistes un peu autonomes dans leurs têtes
provenant des classes bourgeoise critiquer les ouvriers qui travaillent
pour le capital, alors que, eux, ils y sont obligés ! et que c’est bien
facile de critiquer les nécessiteux quand on est issu de classe
bourgeoise ! C’est quelque chose d’alors difficile à comprendre, et
surtout c’est un mécanisme d’oppression très répandu de faire croire aux
opprimés/victimes qu’ils sont la cause de leurs malheurs.

> Ce dont j'aurais besoin, et c'est aussi vrai si je veux défendre cette
> idée au nom du Parti Pirate, c'est comment on va vivre CONCRÈTEMENT dans
> votre monde sans argent.

Kropotkine en fait une excellente description dans « La conquête du
pain ». L’ouvrage peut être assez cher (d’une dizaine à une trentaine
d’euros :/), mais il vaut le coup. Un de ces jours il faudrait que
j’emprunte l’exemplaire que j’ai donné à un ami pour le bookscanner à la
Quadrature et le mettre en ligne…

Donc en gros on travaille pour répondre à nos besoins de façon autogérée
et en s’organisant démocratiquement (et non par la hiérarchie
capitaliste et le saint marché), et on distribue tout ça à tout le monde
en fonction des besoins (on a déjà depuis longtemps — quelques siècles —
largement la technologie de produire tout le nécessaire en abondance).

> Concrètement cela veut dire quoi ? Pour moi cela veut dire revenir à la
> triste réalité, au pragmatisme (désolé, ça fait surement moins classe).

Être plus pragmatique, c’est normal sachant qu’on est *loin* du
communisme libertaire, qu’il ne s’instaure pas du jour au lendemain mais
demande un gros effort d’éducation (la révolution catalane peut sembler
s’être faite du jour au lendemain et de manière pacifique, mais il faut
savoir qu’avant elle a été précédée par un *énorme* travail d’éducation
de la part des anarchistes et par une résistance conséquentes aux armées
de Franco).

> Aujourd'hui, je refais ma sortie de garage. Sauf que moi, je ne sais pas
> poser des pavés, je n’ai pas le temps d'apprendre et pas vraiment
> l'envie d'ailleurs. Et bien assez simplement, j'ai contacté deux
> entrepreneurs qui sont venus me voir, ils m'ont proposé chacun un devis
> et j'en ai choisi un. Et là, il me fait ma sortie de garage. Quand il
> aura fini, je lui ferais un virement ou un chèque. Avec de l'argent que
> j'aurais gagné en allant travailler naturellement :)
>
> => Comment fera-t-on sans argent ?

C’est très simple : t’as toujours des personnes qualifiées qui savent le
faire, elles ont potentiellement envie d’aider leur prochain,
probablement envie de faire perpétuer une société libre et égalitaire ou
tout se fait gratuitement et sûrement envie que les gens puissent vivre
et se déplacer de sorte à ce que qu’ils puissent participer à la société
et aller dans les intérêts de tout le monde, y compris eux-même, donc
ils viennent exécuter le travail, sans rétribution *directe*. Mais en
réalité il y a une sorte de « rétribution », indirecte, mais néanmoins
très importante, essentielle même : le résultat du travail. Sous le
capitalisme on appelle ça les « externalités positives », et comme on
sait que c’est pas facilement calculable, on s’en fout (ce qui est
absurde).

> Aujourd'hui, dans mon canton, il faut refaire une route. Elle est usée
> par le passage des voitures et camions et on l'a poussé jusqu'au bout,
> cette charmante route. Elle est HS. La région, la comcom. et les
> communes ont donc décidé, par les élus, de refaire cette route. Ils ont
> fait un appel d'offres, choisit une entreprise de travaux publics et ils
> paieront une fois les travaux terminés, en accord avec les règles de
> l'appel d'offres. Et avec l'argent de nos impôts (on va laisser de côté
> l'emprunt pour ne pas faire rentrer la banque dans le débat).
>
> => Comment fera-t-on sans argent ?

Presque pareil : des communes ont besoin de routes pour êtres reliées
au reste du monde, elles font alors remarquer à tout le monde qu’on en a
besoin, s’ils et elles l’ont pas déjà remarqué. Alors des travailleurs
et travailleuses qui savent faire — peut-être les même qui l’aurait fait
avec une entreprise — viennent, apportent leurs outils, et exécutent le
travail pour les raisons que j’ai cité dans mon paragraphe précédant, en
s’organisant de sorte à faire le travail le mieux possible : ça veut
dire, comme aujourd’hui, rapidement et bien, mais *aussi*, et c’est
important, de la façon la moins pénible et dangereuse possible, ce qui
est un critère très ignoré aujourd’hui.

À force de chercher à éxécuter des travaux utiles de façon moins
pénible, il me paraît évident qu’on trouvera les moyens techniques de le
faire.

Il est deux choses importantes à noter du coup : premièrement, dans une
société capitaliste, les travaux les plus essentiels sont souvent les
plus dangereux et pénibles, mais aussi par conséquence ceux où les
ouvriers sont les plus pauvres, car leur pauvreté est un moteur pour les
forcer à faire des travaux si pénibles (parce que sinon ils tombent dans
la misère rapidement), qu’il s’agit donc de « mauvais travaux », des
travaux de pauvres, qui ne sont fait que parce qu’on y est obligés, et
qu’ils sont donc très dévalorisés socialement.

Les gens qui récoltent les ordures font un travail essentiel, les
plombiers aussi, surtout ceux qui entretiennent les égouts et les
systèmes hydroliques des villes. Ce sont des travaux terriblement
utiles, et pourtant, honteux. C’est le propre du capitalisme de rendre
ces travaux si « mauvais », parce que ceux qui les exécutent sont à
l’opposé hiérarchique de ceux qui les commandent. Mais dans une société
anarchiste, ces travailleurs fonctionneraient en autogestion, et donc
s’organiseraient naturellement pour rendre le travail moins pénible,
plus confortable. Il serait effectué pour son résultat et non par
contrainte. Par conséquent naturellement on devrait commencer à cesser
de considérer ces métiers pénibles comme « honteux », mais motif de
véritable fierté, de faire quelque chose d’aussi dûr pour que tant de
choses soient possibles pour tous si facilement ! que tant de progrès
social soit possible grâce à eux ! que tellement de choses puissent se
réaliser par leur travail !

Le deuxième point important est qu’on peut répartir les travails sur un
axes selon deux extrêmes : la répétitivité ennuyeuse et barbante, et la
créativité. Les traveaux les plus chiants et répétitifs sont les plus
faciles à automatiser. Plus un travail est chiant, plus il est facile
(et amusant, valorisant) de fabriquer une machine qui le fait pour
nous. Ainsi il est possible, facile, et même passionant d’automatiser et
faire disparaître tous les traveaux chiants : conducteurs/trices
ferrovièr·e·s, maçon, ouvrier à la chaîne, nettoyeur de vitre, etc. À
l’inverse, les travaux qui restent, qui sont les plus difficiles voir
impossibles à automatiser, le sont proportionnellement à ce qu’un robot
ne fait pas par définition : la créativité. Celle-ci requiert notamment
une réflexion culturelle, donc de s’inscrire dans une société à laquelle
on participe en communiquant, en s’exprimant à travers l’art. Ça
comprend les « arts classiques » comme la peinture, mais aussi
l’écriture, le chant, la programmation, l’ingénieurie, le design,
etc. Proportionnellement à leur créativité et donc à la difficulté de
leur automatisation, les travaux deviennent intéressants, amusants,
passionnants, et permettent à l’esprit de se développer et de s’épanouir
dans tout son potentiel.

Il n’est pas de doute qu’à mesure que la technologie est utilisée de
manière libertaire, égalitaire et solidaire, tous les travaux pénibles
disparaîtront assez vite pour laisser place à l’humanité entière la
capacité de s’épanouir par les travaux créatifs les plus passionants.

> Je ne vais pas multiplier les exemples, je pense que ses deux la
> couvriront déjà pas mal de relation commerciale actuelle :)
> Ne voyez aucune malice dans mes questions hein, simplement, j'arrive a
> comprendre comment aujourd'hui on va fonctionner ensemble avec de
> l'argent (et le Revenu de base par exemple), mais pas sans argent.

Oui je comprend, la société actuelle est beaucoup trop loin d’une
société communiste libertaire pour qu’on s’en fasse une idée aisément à
partir de celle-ci.

> J'aurais plein de choses à dire sur la production d'énergie et tout,
> mais j'aimerais vraiment que ce débat réponde à ce genre de question qui
> me torture depuis un moment. Je suis un gars plutôt terre à terre,
> j'aime bien les grandes théories, mais j'ai besoin de concret, de
> papable pour comprendre.

Oui :) d’ailleurs l’anarchisme n’a pas toujours été technophile. Il est
vrai que de grands communistes libertaires comme Élisée Reclus, Pierre
Kropotkine ou autoritaires comme Karl Marx ont toujours eu des idées
enthousiastes très technophiles (notamment sur l’invention de la machine
à vapeur et des chemins de fer). Mais c’est sans commune mesure avec ce
qu’on peut imaginer depuis l’invention de l’ordinateur, d’Internet et
des imprimantes 3D.
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