[PP-discussions] sur 'revenu maximal' (...une evidence!) ... voici l'article ...et pas que le teaser dans mediapart...

renc rencontres3 at gmail.com
Sam 26 Juil 01:34:58 CEST 2014


finalement sur le site de l'original...

-pas loin aussi un bon papier sur marinaleda..
  (meme si il ne peut pas s'empecher de deblaterer toute les (souvent semi
débiles!) critiques jalouse d'une initiative...)

copies et lie en fin de mail..




http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377

Renaissance d’une exigence
Plafonner les revenus, une idée américaine

Si la pauvreté soulève une indignation unanime — il faudrait la combattre
pour rendre le monde plus juste —, la fortune est plus rarement perçue
comme un problème. Mais, avec la tempête financière, le lien entre l’une et
l’autre refait surface. En même temps qu’une idée née aux Etats-Unis il y a
plus d’un siècle : limiter les revenus des plus riches.
 par *Sam Pizzigati*, février 2012

Au nombre des revendications portées par les militants du mouvement Occuper
Wall Street, il en est une qui plonge profondément ses racines dans
l’histoire des Etats-Unis : l’instauration d’un plafond pour les hauts
revenus. Depuis l’époque dorée de l’après-guerre civile américaine, les
grandes mobilisations en faveur de la justice économique ont toujours
énoncé cette demande, aujourd’hui appelée « salaire maximum ». Cette
formule n’englobe pas seulement le salaire, mais la totalité des revenus
annuels ; elle permet de créer un lien de familiarité avec la notion
de « salaire
minimum ».

C’est le philosophe Felix Adler — surtout connu pour avoir fondé et
présidé, au début du XXe siècle, le National Child Labor Committee — qui,
le premier, a porté cette revendication. Selon lui, l’exploitation des
travailleurs, jeunes et vieux, génère d’immenses fortunes privées qui
exercent une *« influence corruptrice »* sur la vie politique américaine.
Pour limiter celle- ci, il propose de mettre en œuvre une fiscalité très
fortement progressive pouvant atteindre, au-delà d’un certain seuil, 100 %
d’imposition. Ce taux laisserait à l’individu *« tout ce qui peut vraiment
servir à l’accomplissement d’une vie humaine »* et lui arracherait *« ce
qui est destiné à l’apparat, à la fierté, au pouvoir »* (1
<http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nb1>).

Si le *New York Times* a donné à l’appel d’Adler une large audience, la
notion de « salaire maximum » n’a pas connu de traduction législative avant
le premier conflit mondial. Afin de financer l’effort de guerre, les
progressistes proposent alors de taxer à hauteur de 100 %les revenus
supérieurs à 100 000 dollars (soit 2,2 millions de dollars en 2010).

Le groupe qui soutient cette mesure, l’American Committee on War Finance,
rassemble deux mille volontaires à travers le pays. Il publie dans les
journaux des coupons détachables que les lecteurs peuvent signer,
s’engageant ainsi à *« œuvrer pour la promulgation rapide d’une loi »* sur
la limitation des revenus : une *« conscription de la richesse »,* selon
les mots du comité. *« Si l’Etat a le droit de confisquer la vie d’un homme
pour satisfaire à l’intérêt général, alors il doit certainement pouvoir
réquisitionner la fortune de quelqu’un pour les mêmes raisons »,* déclare
son président, l’avocat Amos Pinchot, devant le Congrès, avant de souligner
que 2 % des Américains détiennent 65 % de l’ensemble des richesses du
pays. *« Les
Etats-Unis, pas plus qu’aucun autre pays, ne peuvent conduire une guerre
qui sert à la fois les intérêts des ploutocrates et ceux de la démocratie.
Si la guerre sert Dieu, elle ne peut pas servir Mammon* (2
<http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nb2>)* »,*
conclut-il. Pinchot et ses camarades progressistes n’ont pas obtenu gain de
cause, mais leur campagne a profondément modifié la fiscalité nationale :
le taux supérieur d’imposition sur les revenus dépassant le million de
dollars passe de 7 % en 1914 à 77 % en 1918.

La « peur rouge » qui suit la première guerre mondiale (3
<http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nb3>) anéantit
les espoirs d’une Amérique plus égalitaire. De retour au pouvoir, la droite
refait des Etats-Unis une nation accueillante pour les plus fortunés. On
assiste, durant les années 1920, à un processus rapide de concentration de
la richesse. Au Congrès, démocrates et républicains se battent pour obtenir
une diminution des taxes sur les hauts revenus. En 1925, le taux
d’imposition maximum est de 25 %.

Mais la crise de 1929, qui mène l’économie au bord de l’effondrement,
change à nouveau la donne. En 1933, un quart des travailleurs américains
sont sans emploi. La revendication d’un plafond des revenus réapparaît. En
Louisiane, Huey P. Long, jeune sénateur flamboyant, lance le mouvement
Partageons notre richesse, qui essaimera à travers le pays. Il propose
l’instauration d’un plafond à 1 million de dollars pour les revenus annuels
individuels — ce qui représenterait plus de 15 millions de dollars en
2010 — et de 8 millions de dollars pour le patrimoine.

En juin 1935, le président Franklin D. Roosevelt scandalise l’Amérique
fortunée en annonçant son intention de *« faire payer les riches »* pour
résoudre la crise. Il crée alors une taxe de 79 % sur les revenus
supérieurs à 5 millions de dollars (environ 78 millions de dollars
en 2010). Cette décision — et l’assassinat de Long, en août 1935 — éloigne
pour un temps l’idée de revenu maximum. Mais celle-ci resurgit en
avril 1942. Roosevelt, inspiré par plusieurs syndicats, propose de créer un
revenu maximum en temps de guerre, fixé à 25 000 dollars par an (environ
350 000 dollars en 2010). A défaut d’aller si loin, en 1944, le Congrès
fixe le taux d’imposition des revenus supérieurs à 200 000 dollars à un
niveau inégalé : 94 %.
 Les plus riches auraient
un intérêt personnel et direct
au bien-être des moins riches

Au cours des deux décennies suivantes — une période de grande prospérité
pour la classe moyenne américaine —, le taux d’imposition supérieur tourne
autour de 90 %, avant de tomber à moins de 70 % pendant la présidence de
Lyndon Johnson (novembre 1963-janvier 1969). Sous Ronald Reagan, ce taux
fond encore, pour atteindre 50 % en 1981, puis 28 % en 1988. Aujourd’hui,
il s’élève à 35 %. C’est déjà trop, selon certains. Mais, heureusement pour
les plus riches, la majeure partie des revenus qu’ils déclarent provient
des gains du capital, des profits réalisés grâce à l’achat et à la vente
d’actions, d’obligations et d’autres actifs, lesquels ne sont taxés qu’à
hauteur de 15 %. Une statistique résume cette évolution : en 2008, les
quatre cents contribuables les plus fortunés ont empoché 270,5 millions de
dollars chacun et payé 18,1 % d’impôts à l’Etat fédéral ; en 1955, ils
avaient gagné 13,3 millions de dollars (en dollars constants, compte tenu
de l’inflation) et payé 51,2 % d’impôts.

Le débat s’est déplacé. Aujourd’hui, les héritiers d’Adler, Pinchot et Long
se focalisent sur les entreprises plutôt que sur les individus. Selon eux,
les différents échelons du pouvoir (local, d’Etat, fédéral) devraient tirer
profit du fait que les entreprises privées reçoivent de l’argent public
— sous la forme de commandes de l’Etat, de subventions au « développement
économique » ou d’avantages fiscaux — pour exiger d’elles de nouvelles
politiques salariales. Aucun dollar provenant des impôts ne devrait aller
dans les caisses d’entreprises qui paient leurs dirigeants dix, vingt,
voire cinquante fois plus que leurs salariés (4
<http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nb4>). *« L’Etat
fédéral refuse actuellement de signer des contrats avec des entreprises qui
ont des pratiques de recrutement racistes ou sexistes. Le même principe
pourrait être invoqué pour refuser des contrats à celles qui, par les
salaires exorbitants de leurs dirigeants, augmentent les inégalités
économiques de la nation* (5
<http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nb5>)* »,* estime
un rapport de l’Institut for Policy Studies.

Le but ultime ? Un vrai salaire maximum, indexé sur le salaire minimum, qui
prendrait la forme d’une fiscalité fortement progressive, ainsi qu’Adler
l’a proposé il y a un siècle. Le maximum serait défini comme un multiple du
minimum et tout revenu supérieur à dix ou vingt-cinq fois ce minimum serait
frappé d’un impôt de 100 %. Cette disposition encouragerait et nourrirait
presque immédiatement une forme d’économie solidaire : pour la première
fois, les plus riches auraient un intérêt personnel et direct au bien-être
des moins riches.

Avant le mouvement Occuper Wall Street, une telle perspective s’apparentait
à un fantasme politique. Plus maintenant. Signe des temps : deux éminents
universitaires américains, l’un juriste à Yale et l’autre économiste à
Berkeley, viennent de publier dans le *New York Times* un plaidoyer
convaincant pour une réforme fiscale qui limiterait le revenu moyen des 1 %
d’Américains les plus riches à trente-six fois le revenu médian (6
<http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nb6>). Nous
considérons aujourd’hui le salaire minimum comme un acquis social. Pourquoi
pas le salaire maximum ?

*Sam Pizzigati*
Chercheur associé à l’Institute for Policy Studies (Washington, DC) et
rédacteur en chef du site Too Much <http://toomuchonline.org>. Auteur de *The
Rich Don’t Always Win : The Forgotten Triumph Over Ploutocracy, 1900-1970,
That Created the Classic American Middle Class*, Seven Stories Press, New
York, à paraître à la fin de 2012.

<http://www.monde-diplomatique.fr/abo>

(1 <http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nh1>) Felix
Adler, « Proposing a system of graded taxation
<http://query.nytimes.com/gst/abstract.html?res=F40717FB35551B7A93CBA91789D85F448884F9>
 », *The New York Times,* 9 février 1880.

(2 <http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nh2>) *The
Public,* New York, 28 septembre 1917.

(3 <http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nh3>) Soit les
années 1919-1920, marquées par un fort sentiment anticommuniste.

(4 <http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nh4>) Les
principaux patrons américains gagnent actuellement trois cent vingt-cinq
fois plus que le salaire hebdomadaire moyen.

(5 <http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nh5>) « Executive
excess 2007 : The staggering social cost of U.S. business leadership. 14th
annual CEO compensation survey
<http://www.ips-dc.org/reports/070829-executiveexcess.pdf> » (PDF),
Institute for Policy Studies, Washington, DC, 29 août 2007.

(6 <http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/PIZZIGATI/47377#nh6>) Ian
Ayres et Aaron S. Edlin, « Don’t tax the rich. Tax inequality itself
<http://www.nytimes.com/2011/12/19/opinion/dont-tax-the-rich-tax-inequality-itself.html>
 », *The New York Times,* 18 décembre 2011.




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et mari...


http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520

Une expérience qui dure depuis trente-cinq ans
Marinaleda, phalanstère andalou dans une Espagne en crise

Avec ses camarades du Syndicat andalou des travailleurs, M. Juan Manuel
Sánchez Gordillo a mené plusieurs actions de réquisition de nourriture dans
les supermarchés en faveur des victimes de la crise. Ces coups d’éclat ont
suscité un regain d’intérêt pour Marinaleda, la commune dont il est le
maire. Ici, on ne fait rien comme ailleurs. Et cela semble marcher…
 par *Gilbert Haffner*, août 2013

Marinaleda, commune espagnole de vingt-cinq kilomètres carrés, deux mille
huit cents habitants, dans la province de Séville, est entouré d’immenses
propriétés appartenant pour la plupart à de riches propriétaires
terriens. *« Los
terratenientes »,* l’aristocratie seigneuriale séculaire, exploitent des
milliers d’hectares et des dizaines de milliers d’ouvriers agricoles,
*peones* ou *jornaleros* (journaliers). C’est le royaume du travail
précaire (1 <http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nb1>).

Mais Marinaleda est connu en Espagne, et même en Europe, pour d’autres
raisons. Ce village, sous l’impulsion de son maire, M. Juan Manuel Sánchez
Gordillo, toujours réélu depuis trente-quatre ans, a développé un
dispositif politique, économique et social original. L’écusson de la ville
clame ses ambitions : « Une utopie vers la paix ». Certains le qualifient
de modèle anticapitaliste ; d’autres le dénoncent comme une tromperie ou
une farce. Alors, vérité ou mensonge ? Utopie ou réalité ? Système
anticrise ou simple retardateur des effets de la crise ?

Avant de répondre, tentons d’imaginer cette région d’Andalousie dans les
années 1970, sans infrastructures administratives, économiques ou sociales.
C’est le Mezzogiorno espagnol ; un Carlo Levi national aurait pu écrire *Le
Christ s’est arrêté à Marinaleda* (2
<http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nb2>). En 1979,
aucune rue n’était goudronnée ; l’habitat était misérable, à l’image des
habitants ; la médecine de proximité, insuffisante. Point de mairie
fonctionnelle, une école réduite à sa plus simple expression ; pas de
collège (3 <http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nb3>).
 Des logements autoconstruits à 15 euros par mois

Tout commence en 1977, avec la création du Syndicat des ouvriers de la
terre (Sindicato de obreros del campo, SOC). Les habitants y adhèrent en
masse. Un an plus tard, c’est la première occupation d’une grande
propriété, la *finca* de Bocatinaja, d’où les syndicalistes seront
expulsés. Puis l’élection d’un nouveau maire, le plus jeune de toute
l’Espagne : M. Sánchez Gordillo, professeur d’histoire. Ses principes ?
Lutter contre la misère, et donc contre ceux qui la génèrent : le système
économique dominant et les propriétaires terriens toujours, les pouvoirs
publics parfois. Il faut de la terre pour cultiver — de la terre qui soit
propriété de la collectivité, et non d’un seigneur ; de la terre pour
procurer du travail dans cette région essentiellement agricole.

Alors commence la longue route vers l’appropriation publique des terres
privées, avec grèves de la faim, occupations suivies d’expulsions manu
militari par la Guardia Civil. Enfin, en 1991, la Junta de Andalucía, le
gouvernement de la communauté autonome d’Andalousie, procède à
l’expropriation de mille deux cents hectares de la *finca* del Humoso,
propriété du duc del Infantado (4
<http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nb4>), et met les
terres à disposition de la municipalité de Marinaleda.

Ainsi se concrétise le vieux rêve de « la terre à celui qui la travaille ».
En même temps prend fin le chômage endémique, tandis que l’émigration peut
se tarir. La plantation d’oliviers, la culture de piments, d’artichauts et
de fèves démarrent. Pour subvenir aux besoins de la population, ces
productions seront industrialisées, à partir de 1999, à travers une
conserverie — coopérative, bien entendu. Chaque travailleur reçoit un
salaire identique, quels que soient son poste et ses responsabilités :
aujourd’hui, 47 euros par jour, six jours sur sept, soit 1 128 euros par
mois à plein temps (le salaire minimum interprofessionnel s’élève à
645 euros).

Pour que le droit au logement que garantit la Constitution espagnole ne
reste pas lettre morte, un programme est lancé dans ce domaine, avec pour
règle l’autoconstruction. Chacun participe selon ses compétences. La mairie
offre le terrain et rémunère l’architecte ; les matériaux sont fournis
conjointement par la municipalité, qui peut utiliser les fonds publics du
plan d’emploi rural (PER) (5
<http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nb5>), et par la
Junta de Andalucía. L’attribution se fait lors d’une assemblée publique qui
réunit tous les citoyens. Actuellement, on compte plus de trois cent
cinquante maisons ainsi construites, d’une surface utile de
quatre-vingt-dix mètres carrés, avec cent mètres carrés de patio pour
permettre un agrandissement futur. Le loyer s’élève à 15 euros par mois,
alors qu’il faudrait en débourser 300 au prix du marché. Le logement ne
peut être vendu, mais il est cessible aux enfants.

Cette base idéologique a produit une solidarité particulière. Alberto, 24
ans, a reçu cet esprit en héritage de ses parents, qui ont participé à tous
les combats. Il sait d’autre part le prix de l’effort, lui qui a commencé à
travailler à 14 ans. Nombre de travaux d’intérêt général sont assurés
gratuitement par les habitants — jusqu’à quatre cents personnes, selon les
dires de Mme Gloria Prieto, conseillère à l’action sociale et ouvrière
agricole.

Les réalisations sont impressionnantes eu égard à la taille de la commune.
Côté infrastructures : l’hôtel de ville, le collège, le pavillon des
sports, le gymnase, la maison de la culture, deux foyers pour les anciens,
un stade. Côté social et loisirs : une garderie (coût mensuel : 12 euros
par mois et par enfant, repas compris), une cantine scolaire (20 euros par
mois), une piscine (1 euro par mois), un atelier pour l’emploi (6
<http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nb6>), deux parcs
naturels, un parc pour enfants, une promenade ombragée, un service
municipal d’aide à domicile, et l’organisation de fêtes et d’événements
culturels tout au long de l’année.

Pour parvenir à ce résultat, la municipalité a utilisé à la fois des
subventions de l’Etat et de la communauté autonome, ainsi que des impôts
locaux, et elle n’a pas hésité à s’endetter, à hauteur de 77 000 euros en
2012. Sans de tels choix, un ménage avec trois enfants devrait débourser au
moins 800 euros mensuels supplémentaires pour subvenir à ses besoins.

Le système a ses détracteurs, voire ses ennemis. Selon eux, le maire
perçoit un salaire bien supérieur à celui de ses administrés ; certains
parlent de 4 000 euros par mois, ce qui représente le salaire et les
indemnités de son mandat de député andalou, aucun édile de Marinaleda ne
percevant la moindre rétribution pour ses activités municipales (7
<http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nb7>). L’opposition
dénonce l’utilisation de subventions à des fins de propagande électorale,
et surtout d’animation d’un *« parc à thèmes communiste »* au sein de la
société capitaliste. D’autres ironisent : *« Marinaleda, sans l’argent des
autres, serait l’utopie du chômage, du manque d’initiative et de la
pauvreté. Il s’y passerait ce qui s’est passé à Cuba quand les Russes ont
décidé que ça suffisait »,* lit-on sur le site participatif 4UPRESS (For
You Press).
 « Moins d’angoisse que dans le reste de la région »

Pour une habitante, qui a souhaité conserver l’anonymat de peur de «
représailles », le maire est un dictateur qui a divisé le village en deux
clans, le sien bénéficiant de privilèges, l’autre totalement marginalisé et
vivant dans la peur — même si elle reconnaît que ceux qui n’avaient rien
autrefois disposent désormais des moyens de vivre plus dignement. Les deux
élus du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), MM. Mariano Pradas et
Hipolito Aires, dans l’opposition, dénoncent le manque de diversité
industrielle, qu’ils attribuent à la soif de pouvoir absolu de M. Sánchez
Gordillo. Plusieurs opposants minoritaires (la liste du maire a obtenu 73 %
des voix, avec 11 % d’abstentions, aux élections de mai 2011) ne croient
pas aux vertus de la démocratie participative façon Marinaleda. Ils
critiquent jusqu’aux logements à coût réduit, car *« ces gens-là ne seront
jamais propriétaires, ce qui permet au maire de les tenir à sa merci ».*

Le ressentiment est profond. En cause, le chômage, qui, selon certains,
toucherait cinq cent vingt-cinq personnes. Le chiffre officiel est de cent
cinquante en mars 2013, soit 13 % de la population active, contre 35 % dans
l’ensemble de la province. Ne sont pas pris en compte les trois cent
dix-sept « travailleurs éventuels agricoles subventionnés » (TEAS), qui
reçoivent 420 euros par mois pendant six mois à condition d’avoir travaillé
entre vingt et soixante jours dans l’année. Ici, on vit chichement, comme
en témoigne cette jeune femme, Ana : heureuse de son logement à 15 euros
par mois, elle se satisfait d’un salaire de 900 euros, qui lui permet
d’épargner.

Les *« a favor »* (« favorables »), eux, ne tarissent pas d’éloges, tant
sur le maire que sur le dispositif mis en place. Devant une bière ou un vin
blanc de Montilla, les anciens du foyer des retraités racontent leurs
souvenirs (la misère, la récolte des betteraves, les travaux les plus durs,
l’émigration pour subsister, la précarité perpétuelle) pour mieux souligner
le bien-être apporté par ce magistrat atypique. De son côté, Conchi,
commerçante, non militante, née ici, se félicite de la quasi-absence
d’impôts pour le commerce, de la vraie démocratie instituée par le maire,
et surtout du changement profond de la condition féminine : *« Ici, les
femmes ont droit à la parole, elles participent aux décisions au même titre
que les hommes. »*

La propriété collective du logement, en lieu et place de la sacro-sainte
propriété individuelle, représente évidemment un gros atout en plein
effondrement de l’immobilier. Mais, pour autant, l’organisation de
Marinaleda n’est pas un bouclier contre la crise. La production agricole et
industrielle, qui donnait du travail il y a quelques années, s’est
ralentie. Selon Mme Dolores Tejada, conseillère au travail et ouvrière à la
conserverie, il faut produire plus, différemment, en développant
l’agriculture biologique, et trouver de nouveaux débouchés commerciaux,
sans entrer dans le système infernal de la grande distribution mais en
sollicitant plutôt les circuits alternatifs.

Les subventions annuelles nationales ou régionales sont passées à la
moulinette des *recortes* (coupes budgétaires) décidées par le gouvernement
du Parti populaire, obéissant à la « troïka » (Commission européenne,
Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). En 2012, les
subventions ont été réduites de près de 40 %. De nombreux travaux promis
par la mairie ont été suspendus : la résidence pour personnes âgées,
l’hôtel, la piscine couverte, une nouvelle conserverie, un nouvel atelier
pour l’emploi, l’investissement dans les énergies renouvelables, un centre
de santé, un canal, une route de déviation. *« Malgré la crise,* affirme
Alberto, *ici, il y a moins d’angoisse que dans le reste de l’Andalousie. »*
Et l’équipe municipale cherche d’autres solutions. Le phalanstère andalou
continue.

*Gilbert Haffner*
Journaliste.

<http://www.monde-diplomatique.fr/abo>

(1 <http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nh1>) Lire
François de Ravignan, « L’espoir déçu des paysans andalous
<http://www.monde-diplomatique.fr/1988/05/RAVIGNAN/40866> », *Le Monde
diplomatique,* mai 1988.

(2 <http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nh2>) Référence
au roman de l’Italien Carlo Levi *Le Christ s’est arrêté à Eboli* (1945).

(3 <http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nh3>) Source :
www.marinaleda.com

(4 <http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nh4>)
Propriétaire d’un ensemble de dix-sept mille hectares.

(5 <http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nh5>) Le plan
d’emploi rural (PER) institué par M. Felipe González en 1984 pour réduire
la misère rurale attribue des dotations aux municipalités pour procéder à
des travaux, et donc donner un peu de travail aux chômeurs.

(6 <http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nh6>) Ces
ateliers sont ouverts aux personnes de plus de 25 ans qui réalisent des
travaux d’utilité publique ou d’intérêt social tout en recevant un salaire
et une qualification. Ils existent dans toutes les communautés autonomes.

(7 <http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520#nh7>) Décision
enregistrée devant huissier le 8 août 2012.


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Le 26 juillet 2014 01:03, renc <rencontres3 at gmail.com> a écrit :

> un  teaser de mediapart...
>
> si qqu'un a (l'original, ref en bas, ou) un abonnement...
> --> un pad sur le sujet?
>
> en attendant l'abolition de esclavage salarié ou pas ..du travail, de
> l'argent  des 'revenus' du fric de l'alienation toussa
>
> si on croit au reformisme... que l'on veut tenter des transitions..
>
> une premiere etape vers egalité fratern/soror/ité equité
>
> c'est surement de fixer des 'ressources' maximales et minimales...
> et.. le plus proche possible des niveaux  medians et moyens!!
>
> alors en trois ans cinq ans ou un seul??
>
> bon voici un papier  qui semble..
> la vraie vie, la justice et le progres en cent mille etapes...
>
>
>
> http://blogs.mediapart.fr/blog/guydufau/250714/pas-de-democratie-sans-un-salaire-maximum-1
>
> je vous copie le teaser
>
>
> PAS DE DEMOCRATIE SANS UN SALAIRE MAXIMUM (1)
>
> 25 juillet 2014 |  Par guydufau
>
> Premières lignes de cet article :
>
>   Au nombre des revendications portées en 2011 par les militants du
> mouvement Occupy Wall Street, il en est un qui plongeait profondément
> ses racines dans l'histoire des Etats-Unis : l'instauration d'un
> plafond pour les hauts revenus. Depuis l'époque dorée de
> l'après-guerre civile américaine, les grandes mobilisations en faveur
> de la justice économique ont toujours énoncé cette demande,
> aujourd'hui appelée "salaire maximum". Cette formule n'englobe pas
> seulement le salaire, mais la totalité des revenus annuels; elle
> permet de créer un lien de familiarité avec la notion de "salaire
> minimum".
>
> Les dernières lignes de cet article :
>
>  Avant le mouvement Occopy Wall Street, une telle perspective
> s'apparentait à un fantasme politique. Plus maintenant. Signe des
> temps : deux éminents universitaires américains, l'un juriste à Yale
> et l'autre économiste à Berkeley, ont publié dans le New York Times
> un plaidoyer convaincant pour une réforme fiscale qui limiterait le
> revenu moyen des 1% d'Américains les plus riches à trente fois le
> revenu médian.
>
> Nous considérons aujourd'hui le salaire minimum comme un acquis
> social. Pourqui pas le salaire maximun ?
>
> (1)-Article paru dans Manière de voir n° 136.
>
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