[PP-discussions] Mediapart : l'hopital public fossoyeur des lanceurs d'alerte

Sophie L. sophielle at gmail.com
Mar 1 Juil 15:03:15 CEST 2014


Très intéressant.
Montre bien qu'Irène Frachon est une exception, puisqu'elle a pu agir avec
le soutien de ses supérieurs de Brest. de façon générale, le problème,
aussi bien dans le public, mais encore plus dans le privé, reste entier.

Crocs_bleus


Le 30 juin 2014 12:17, "Jérémy \"Jeey\" PP" <jeey_ppmp at jeey.net> a écrit :

>  Mediapart fait dans le lanceur d'alerte aujourd'hui !
>
>
> http://www.mediapart.fr/journal/france/300614/l-hopital-public-fossoyeur-des-lanceurs-d-alerte
>
>
>
> L'hôpital public, fossoyeur des lanceurs d'alerte
>
> 30 juin 2014 |  Par Caroline Coq-Chodorge
>
> Le médecin DIM de l'hôpital de Saint-Malo est *<< au placard >>*, le
> responsable de la filière AVC du CHU de Strasbourg est devenu*
> << transparent >> *: nous avions enquêté il y a quelques mois sur ces deux
> lanceurs d'alerte. Leurs carrières sont aujourd'hui ruinées. Les
> dysfonctionnements dénoncés ont été étouffés et des patients se retrouvent
> pris dans cette spirale de discrédit.
>
> Le professeur Christian Marescaux a cette définition du cynisme : *<< Je
> n'ai pas cette manière d'être cool, supposément équilibré, qui permet de
> tout relativiser. >>* Et cet autoportrait, presque désobligeant : *<< Il
> faut avoir une certaine rigidité de caractère pour ne pas supporter
> l'injustice. >>* Voilà ce qui distingue, et isole, le lanceur d'alerte.
> L'ancien responsable de la filière AVC (accident vasculaire cérébral) du
> CHU de Strasbourg en fait aujourd'hui l'expérience douloureuse. En janvier
> dernier, il dénonçait dans Mediapart un accès problématique des urgences
> aux IRM (imagerie par résonance magnétique) du CHU de Strasbourg, en partie
> occupées par les consultations privées des radiologues. Les alertes du
> professeur Marescaux sont restées sans effet, comme les plaintes de trois
> patients.
>
> Christian Marescaux est aujourd'hui *<< transparent. Je n'existe plus. Je
> n'ai plus aucune autorité sur mon service. Je me contente de mes
> consultations et de cours à l'université. L'hôpital peut dire que c'est mon
> choix, puisque j'ai accepté de prendre du recul. Si j'avais continué à
> gérer la filière AVC, cela aurait été un handicap pour les patients. Mais
> cela n'a rien réglé : les difficultés d'accès aux IRM ont encore
> augmenté ! >>* Plus grave, *<< les internes refusent de rejoindre le
> service, trois postes sont vacants >>.*
>
> C'est toute la filière neurologique du CHU qui est désormais fragilisée.
> Car elle vient aussi de perdre son chef du service de neurochirurgie*,
> décédé à la fin du mois de mai d'un malaise cardiaque. En janvier dernier,
> il nous avait confié sa* << souffrance professionnelle >> *: *<< Il faut
> sans cesse se déplacer, discuter, insister, pour obtenir une IRM. Pour une
> tumeur, on nous propose un rendez-vous dans 15 jours ou 3 semaines : c'est
> trop tard ! Et après une opération, on nous refuse des IRM de contrôle.
> Cela fait des années qu'on travaille ainsi, en mode dégradé, alors qu'on
> livre de vraies batailles pour nos patients. Depuis un an, la situation est
> encore plus difficile, c'est insoutenable. >>* En janvier, ce professeur
> était à la fois* << désolé et content >>* que ce conflit entre les services
> de neurologie et de radiologie soit rendu public : *<< Au moins, ça va
> bouger >>*, a-t-il espéré, en vain.
>
> À Saint-Malo non plus, rien ne bouge. *<< Je suis au placard depuis
> janvier. J'ai un poste de médecin hygiéniste, un bureau, mais rien à faire.
> Je ne reçois aucun coup de fil, aucun courrier, je n'ai aucune relation
> professionnelle >>,* raconte Jean-Jacques Tanquerel. Il a été longtemps
> été le chef du département d'information médicale (DIM) de l'hôpital. Il a
> même été chef de pôle, le poste médical le plus important à l'hôpital. En
> septembre dernier, après des tentatives répétées d'alerte en interne,
> auprès de la direction comme du corps médical, il a publiquement dénoncé
> l'exploitation par une société privée des dossiers des patients, au mépris
> du secret médical. Nous lui avions alors consacré une enquête
> <http://www.mediapart.fr/journal/france/211013/hopital-le-secret-medical-bafoue-au-profit-du-prive>.
> Il pouvait s'appuyer sur le soutien de l'Ordre des médecins et sur un avis
> de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil),
> mettant en demeure l'hôpital de mettre fin à ces pratiques. Neuf mois plus
> tard, la société privée dont il a dénoncé les pratiques continue à
> travailler à Saint-Malo, sous l'autorité d'un médecin DIM plus arrangeant.
> L'administration a tenté d'exfiltrer Jean-Jacques Tanquerel de Saint-Malo
> en lui proposant des postes qu'il a refusés, puisque *<< aucune
> justification n'a été donnée à mon éviction du poste de DIM, aucune faute
> ne m'a été reprochée >>*.
>
> Il a mis à profit ses heures vides à l'hôpital pour écrire un livre, *Le
> Serment d'Hypocrite*. Il y parle du rôle central des médecins DIM, de la
> pression qu'ils subissent en période de disette budgétaire puisque, dans le
> système de tarification à l'activité
> <http://www.sante.gouv.fr/financement-des-etablissements-de-sante,6619.html>,
> de leur travail de codage informatique des actes médicaux dépend le budget
> de l'hôpital. Il décrit cette spirale qui pousse la plupart des
> établissements français, publics et privés, à s'asseoir sur une règle
> éthique élémentaire, le secret médical. La limite est aussi mince,
> explique-t-il, entre l'optimisation et le surcodage, qui est une fraude à
> l'assurance maladie. Il ne cache pas non plus les menaces et les
> intimidations qu'il subit, et même sa *<< mise à mort >>* professionnelle.
> L'hôpital a porté plainte pour diffamation, et perdu le 30 mai dernier,
> condamné à payer 1 500 euros à Jean-Jacques Tanquerel et 1 500 euros à sa
> maison d'édition. Et voilà que le conseil départemental de l'Ordre des
> médecins porte à son tour plainte pour* << propos mensongers et manquement
> à mon devoir de confraternité. C'est la loi du plus fort, je suis
> découragé >>*, souffle-t-il.
> Ne << jamais aborder le problème de fond >>
>
> À Strasbourg, contre Christian Marescaux, il n'y a aucune plainte. Il le
> regretterait presque : *<< Les menaces ne sont jamais frontales. On
> cherche à ancrer l'idée d'une fragilité psychologique, d'une paranoïa. On
> dit de moi que j'ai été interné à l'hôpital psychiatrique de Rouffach. En
> réalité, j'y ai travaillé trois ans, nuance... Mais les rumeurs tournent très
> bien. >>*
>
> Quant à la jeune Alexandra Belhadj, 24 ans, elle se veut au-dessus de ça,
> mais tout de même : *<< Mon père commence à en avoir assez d'entendre dire
> que sa fille a des problèmes psychologiques. >>* Dès la prise en charge
> d'Alexandra Belhadj aux urgences du CHU, le 13 avril 2010, le diagnostic
> psychiatrique est privilégié pour expliquer ses forts maux de tête et ses
> fourmillements dans tout le corps, qui évoluent très vite vers une
> tétraplégie. Elle présente pourtant tous les signes cliniques d'un AVC.
> Mais elle attendra 16 heures avant de passer une IRM, l'examen de
> référence, qui aurait dû être réalisé en urgence. Parce que le cliché est
> d'abord mal lu, elle passe une *<< nuit d'enfer >>* à l'hôpital, seule dans
> une chambre, entièrement paralysée et en détresse respiratoire. Ce n'est
> que le lendemain qu'un neurologue repère enfin l'AVC sur le cliché de
> l'IRM. Alexandra sera alors immédiatement envoyée en réanimation et mise
> sous assistance respiratoire. Elle mettra de longs mois à récupérer une
> partie de sa motricité.
>
> Aujourd'hui handicapée à 79 %, elle doit se réinventer une vie de jeune
> femme. Mais quatre ans après, elle attend toujours une reconnaissance de
> son accident médical par la chambre régionale de conciliation et
> d'indemnisation (CRCI).* << Cet hôpital nous traite comme des malpropres,*
> s'emporte Noredine Belhadj, le père d'Alexandra. *Ils veulent nous avoir
> à l'usure. >>* La première expertise lui était défavorable, mais Christian
> Marescaux est intervenu pour la faire casser. Depuis, Alexandra est
> ballottée d'expertise en expertise, plus ou moins favorables. La dernière,
> rendue en avril, reconnaît le retard dans la prise en charge (il était
> d'abord nié). Mais l'expert, qui a suivi l'avocat de l'hôpital, estime
> qu'une prise en charge immédiate *<< n'aurait, en rien, changé
> l'importance des troubles, et l'importance des séquelles >>.* Au cours de
> l'expertise, un médecin extérieur à l'affaire a déclaré* << sentir la
> magouille à plein nez >>* devant l'ensemble de la commission, Alexandra,
> son avocat et sa famille...
>
> Alexandra vient de recevoir l'avis de la CRCI : elle lui refuse toute
> indemnisation. *<< C'est hallucinant >>*, se désole Christian Marescaux. *<< C'est
> incroyable, injuste, mais tellement prévisible,* soupire Alexandra. *Tout
> le monde sait que ma prise en charge est allée de catastrophe en
> catastrophe, de nombreux médecins l'ont reconnu,* assure-t-elle. *Il n'y
> a eu aucune humanité lors de ma prise en charge aux urgences. Mais depuis
> qu'on demande des comptes à l'hôpital, c'est de pire en pire. Qui
> accepterait que son enfant soit traité ainsi par le service public ? >>*
> Elle est aujourd'hui prête à aller au tribunal administratif, même si elle
> n'y croit* << plus vraiment >>.*
>
> Pour Christian Marescaux, l'hôpital le disqualifie et entrave les
> procédures d'indemnisation des patients pour ne* << jamais aborder le
> problème de fond >>.* Même constat à Saint-Malo : *<< La direction essaie
> de faire croire que le recours à cette société privée, donc ma mise à
> l'écart, est la seule manière pour l'hôpital de redresser ses comptes,*
> estime Jean-Jacques Tanquerel. *Mais c'est faux, ces sociétés coûtent
> horriblement cher. Il faut donner des moyens au médecin DIM, qui doit
> rester le garant du secret médical. >>*
>
> Le directeur général des hôpitaux universitaires de Strasbourg,
> Jean-François Lanot, a refusé notre demande d'interview et semble incapable
> de trancher le conflit qui gangrène les services neurologie et de
> radiologie. L'Agence régionale de santé (son directeur, Laurent Habert, a
> lui aussi refusé de répondre à nos questions), tutelle de l'hôpital, semble
> atteinte par la même paralysie. À Saint-Malo, devant la communauté
> médicale, le directeur, Jean Schmid, a été clair : *<< C'est lui ou moi >>*,
> rapporte Jean-Jacques Tanquerel.
> << Le venin et la boue >>
>
> Une histoire a* << fortement impressionné >>* Christian Marescaux. C'est la
> pneumologue Irène Frachon qui la lui a racontée. En 1978, le médecin
> Olivier Roujansky a le premier porté plainte contre le laboratoire Servier
> pour publicité mensongère pour son coupe-faim, Pondéral, l'ancêtre du
> Mediator. Le Dr Roujansky a publié ses recherches sur la véritable nature
> de ce coupe-faim, un dérivé de l'amphétamine.* << Quand j'ai débuté au CHU
> de Strasbourg, il était considéré comme un fou, personne ne voulait
> travailler avec lui >>*, souffle Christian Marescaux, ahuri. Irène
> Frachon, qui a dénoncé en 2010 l'escroquerie du Mediator, a apporté son
> soutien à Christian Marescaux, non pas sur le fond - *<< Je ne connais pas
> le détail de cette histoire >>* -, mais parce qu'elle recueille sans cesse*
> << des histoires de médecins qui mettent en cause l'institution hospitalière
> et le corps médical, qui sont intimidés, ligotés, mis au placard. On en
> arrive très vite à des techniques de harcèlement. C'est d'une violence
> absolue >>. *Le monde médical et hospitalier a, explique-t-elle, *<< des
> réactions de corps, collectives et synergiques. Individuellement, ce sont
> souvent des gens bien. Mais ils se défendent ainsi contre la violence de ce
> métier, qui peut avoir des conséquences très graves sur le plan
> médico-juridique. Quand l'affaire du Mediator a éclaté, la majorité des
> médecins se souciaient moins des patients que de leurs plaintes. Beaucoup
> de médecins considèrent que les accidents sont le prix à payer : on ne peut
> pas faire d'omelette sans casser des oeufs >>.*
>
> William Bourdon, auteur de la tribune *Une plate-forme de protection des
> lanceurs d'alerte*, co-écrite avec Edwy Plenel et parue dans *Le Monde*
> <http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/04/23/une-plate-forme-de-protection-des-lanceurs-d-alerte_4405575_3232.html>,
> a récemment publié un *Petit manuel de désobéissance civile*, pensé comme
> un *vade-mecum* à l'intention du lanceur d'alerte. D'Irène Frachon à
> Edward Snowden, il décrit *<< le venin et la boue >>* jetés pour les
> disqualifier, l'expérience qu'ils font *<< dans leur chair, leur vie
> familiale, de ces campagnes de discrédit >>.* Il les incite à la*
> << vigilance >>,* à* << évaluer par tous les moyens l'impact >>* de leurs
> révélations. William Bourdon a accepté de défendre le médecin DIM de
> Saint-Malo, Jean-Jacques Tanquerel. Il constate *<< le raidissement
> dramatique de la hiérarchie hospitalière. On est dans une spirale de
> défiance >>.* Face à de telles situations de blocage, et d'isolement des
> lanceurs d'alerte, il est convaincu qu'il faudra* << créer une autorité
> indépendante >>*.
>
>  Il n'est pas le seul. Les Assises du médicament, réunies en 2012 à la
> suite du scandale du Mediator, proposaient de* << créer un statut du
> lanceur d'alerte >>*, de *<< donner un délai de réponse impératif aux
> autorités sanitaires >>*, et de créer* << une instance d'appel >>*. Ces
> préconisations n'ont pas été mises en oeuvre. La loi du 16 avril 2013, à
> l'initiative des Verts, créée une Commission nationale de la déontologie et
> des alertes en matière de santé publique et d'environnement. Faute de
> décret d'application, la loi reste pour l'instant lettre morte.
>
>
>
>
> --
> Pir@@@tement,
> Jeey
>
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