[PP-discussions] pour info et argumentaires en faveur du mariage pour tous

sophie wahnich sophiw at club-internet.fr
Jeu 17 Jan 13:59:54 CET 2013



Claude Levi-Strauss et notre manifestation du 27 janvier....

Grande agitation autour du mariage homosexuel. Dans tout ce tohu-bohu, on a recours à l’anthropologie pour éclairer de prétendus invariants de la structure familiale. En arrière-plan, des questions qui ont leur dignité, sur les modalités contemporaines des alliances et des structures de la parenté, dont Claude Lévi-Strauss avait dégagé les formes élémentaires. Il ne sera pas inutile d’attirer ici l’attention sur un texte posthume du grand anthropologue disparu, publié en avril 2011 dans un recueil de conférences prononcées au Japon au printemps 1986, L’anthropologie face aux problèmes du monde moderne (Coll. du XXème siècle, Seuil).

La seconde de ces conférences porte sur trois grands problèmes contemporains : la sexualité, le développement économique, les relations entre la pensée mythique et la science. S’agissant de la sexualité, trois questions majeures retiennent l’attention de Lévi-Strauss : le prêt de l’utérus ; la procréation artificielle ; le couple homosexuel. En regard de chacune de ces questions nouvelles dans nos sociétés, il met les surprenants montages élaborés dans d’autres sociétés, au mépris du prétendu invariant familial universel.

Ainsi apprenons-nous que l’insémination avec donneur a son équivalent chez les Samo du Burkina Faso. Chaque fillette y est mariée de très bonne heure, mais avant d’aller vivre chez son époux, elle doit, pendant trois ans au plus, avoir un amant de son choix, officiellement reconnu pour tel. Elle apporte à son mari le premier enfant, né des œuvres de son amant, mais qui sera considéré comme le premier né de l’union légitime. Dans d’autres populations africaines, un homme marié dont la femme est stérile, peut, moyennant payement, s’entendre avec une femme féconde pour qu’elle le désigne comme père. Dans ce cas, le mari légal est donneur inséminateur, et la femme loue son ventre au couple sans enfants.

Chez les Indiens Tupi-Kawahib du Brésil, un homme peut épouser simultanément ou en succession plusieurs sœurs, ou une mère et sa fille d’une union précédente. Ces femmes élèvent en commun leurs enfants, sans se soucier spécialement de qui est celui-ci ou celui-là. La situation symétrique prévaut au Tibet, où plusieurs frères ont en commun une seule épouse, tous les enfants étant attribués légalement à l’aîné.

Les Nuer du Soudan assimilent la femme stérile à un homme ! En qualité d’ « oncle paternel », elle reçoit le bétail représentant le « prix de la fiancée » payée pour le mariage de ses nièces, et elle s’en sert pour acheter une épouse qui lui donnera des enfants grâce aux services rémunérés d’un homme, souvent un étranger. Chez les Yoruba du Nigeria, une femme riche peut, elle aussi, acquérir des épouses qu’elle pousse à se mettre en ménage  avec des hommes. Quand des enfants naissent, la femme, « époux légal »,  les prend pour siens. Dans ces deux cas de couples formés par deux femmes, une des femmes sera donc considérée comme le père légal et l’autre comme la mère biologique.

Lévi-Strauss évoque aussi le cas de figure du « mariage fantôme », qui  chez les Nuer, autorise une femme veuve à engendrer « au nom du défunt » avec un de ses proches parents.  Il en rapproche l’institution du lévirat chez les Hébreux. Ces enfants sont tenus pour des réincarnations du défunt. Ces sociétés n’éprouvent pas les craintes du genre qu’engendrent chez nous l’insémination avec le sperme congelé d’un mari défunt, mais le problème en cause n’est, aux yeux de l’anthropologue, guère différent.

Tous ces exemples témoignent de ce que le conflit en cause dans nos sociétés, entre la procréation biologique et la paternité sociale, n’existe pas dans d’autres, qui y apportent des solutions originales, constituant autant d’images métaphoriques anticipées des techniques modernes. Ils démontrent aussi que ce que nous considérons comme « naturel » et fondé sur l’ordre des choses se réduit à des contraintes et des habitudes mentales propres à notre culture.

Aux juristes et aux moralistes trop impatients, conclut Lévi-Strauss, les anthropologues prodiguent des conseils de libéralisme et de prudence. Ils font valoir que même les pratiques et les aspirations qui choquent le plus l’opinion — procréation assistée, mise au service de femmes vierges à des femmes célibataires, veuves ou au service de couples homosexuels — ont leur équivalent dans d’autres sociétés qui ne s’en portent pas plus mal. 
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