[Stratcom] texte de la semaine:
Thomas Vermorel
tvermorel at gmail.com
Ven 1 Avr 13:07:59 CEST 2016
*La fin de l’égalité de temps de parole des candidats à la présidentielle
est un recul du pluralisme.*
Le 24 mars dernier, dans l’indifférence à peu près générale des médias
*mainstream*, l’Assemblée nationale a adopté en seconde lecture une « loi
de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle » qui
constitue un recul inquiétant du pluralisme dans notre régime politique.
En particulier, cette loi supprime l’égalité de temps de parole des
candidats à l’élection présidentielle qui prévalait jusqu’à présent pour
les cinq dernières semaines précédant la dernière ligne droite de la
campagne : la stricte égalité ne sera plus conservée que pour les deux
semaines semaines avant le vote. En remplacement de l’égalité, cette
période appliquera « l’équité », c’est-à-dire à chacun un temps de parole
proportionnel au poids politique de son parti.
A première vue, cela a l’air d’une réforme du pur bon sens. Après tout, se
dira-t-on, n’est-il pas normal que le candidat d’un parti qui pèse un tiers
des voix ait un tiers du temps de parole, et qu’un candidat dont le parti
pèse 5% des voix ait 5% du temps de parole ? Cependant, admettre ce
raisonnement, c’est renoncer à une valeur fondamentale que la démocratie
athénienne nous a laissée en héritage : l’*isegoria*. Il s’agit du principe
démocratique selon lequel les citoyens ont un accès libre et égal à la
parole dans le débat public ; par extension, les idées qu’ils portent ont
ainsi, elles aussi, un accès libre et égal au débat, préalable au vote des
citoyens. C’est pour respecter ce principe qu’avant la loi scélérate du 24
mars, la stricte égalité de temps de parole entre candidats s’appliquait
dans les deux derniers mois précédant le vote.
Outre ce principe, si la plupart des gens pensent qu’en 2012, il était
absurde qu’un Nicolas Sarkozy pointé à 25% des intentions de vote dans les
sondages ait un temps de parole égal à celui d’un Jacques Cheminade pointé
à 0,5%, il convient de rappeler à tous à quel point cette règle est un
outil formidablement efficace de pluralisme et de renouvellement du débat
d’idées. Pluralisme : c’est parce que cette règle force à un temps de
parole égal qu’à chaque campagne présidentielle, miraculeusement, les
citoyens ont accès à une diversité d’idées politiques qui les sort du
carcan désormais habituel « PS / LR / FN ». Renouvellement : de fait, c’est
grâce à cette règle que des candidats comme, par exemple, René Dumont en
1974, ont eu une vraie fenêtre d’exposition médiatique pour déployer de
nouveaux courants politiques ; dans le cas de René Dumont, ce fut
l’écologie.
À ceux qui se focalisent sur tel ou tel « petit candidat » ridicule ou
marginal, l’on répondra donc que leur temps de parole égal à celui des
« grands » candidats » est un mal nécessaire pour qu’émergent, grâce à
cette règle d’égalité, les « petits » candidats sérieux, porteurs de
nouvelles idées, que le système médiatique *mainstream* ignore le reste du
temps. À cet égard, la loi du 24 mars constitue donc un acte éhonté et
malsain de verrouillage du débat politique en France.
Dans un contexte d’état d’urgence prolongé et prolongé encore, d’adoption
du Patriot Act français sous forme de Loi Renseignement, et de surenchère
de propositions sécuritaires contraires aux principes élémentaires des
droits de l’Homme, ce coup de poignard supplémentaire dans le Contrat
social ne peut donc qu’alerter tous les citoyens soucieux de la défense des
valeurs démocratiques.
Thomas Watanabe-Vermorel
123 rue La Fayette 75010 Paris
06 89 68 79 66
WV.
-------------- section suivante --------------
Une pièce jointe HTML a été nettoyée...
URL: <http://lists.partipirate.org/pipermail/stratcom/attachments/20160401/26bbb25c/attachment.html>
More information about the Stratcom
mailing list