[PP-discussions] Dire la vérité est un acte révolutionnaire

Frédéric Lecointre frederic.lecointre at burnweb.net
Dim 21 Fév 15:30:13 CET 2016


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//John Pilger est un journaliste de nationalité Australienne, né à
Sydney le 9 Octobre 1939, parti vivre au Royaume-Uni depuis 1962. Il est
aujourd’hui basé à Londres et travaille comme correspondant pour nombre
de journaux, comme The Guardian ou le New Statesman.//
//
//Il a reçu deux fois le prix de meilleur journaliste de l’année au
Royaume-Uni (Britain’s Journalist of the Year Award). Ses documentaires,
diffusés dans le monde entier, ont reçu de multiples récompenses au
Royaume-Uni et dans d’autres pays.//
//
//John Pilger est membre, à l’instar de Vandana Shiva et de Noam
Chomsky, de l’IOPS (International Organization for a Participatory
Society), une organisation internationale et non-gouvernementale créée
(mais encore en phase de création) dans le but de soutenir l’activisme
en faveur d’un monde meilleur, prônant des valeurs ou des principes
comme l’autogestion, l’équité et la justice, la solidarité, l’anarchie
et l’écologie./

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George Orwell a écrit qu’à « une époque de supercherie universelle, dire
la vérité est un acte révolutionnaire ».

Nous vivons une sombre époque, dans laquelle la propagande de la
supercherie affecte nos vies à tous. Comme si la réalité politique avait
été privatisée, et l’illusion légitimée. L’ère de l’information est une
ère médiatique. Nous avons une politique médiatique ; une censure
médiatique ; une guerre médiatique ; des représailles médiatiques ; une
diversion médiatique — une chaîne de production surréaliste de clichés
et d’idées fausses.

Notre merveilleuse technologie est devenue notre amie autant que notre
ennemie. A chaque fois que nous allumons un ordinateur ou prenons en
main un appareil électronique — les chapelets de ce siècle — nous sommes
soumis à un contrôle : à la surveillance de nos habitudes et de nos
routines, et aux mensonges et à la manipulation.

Edward Bernays, qui inventa l’expression « relations publiques », un
euphémisme pour « propagande », a prédit cela il y a plus de 80 ans, en
qualifiant ce phénomène de « gouvernement invisible ».

Il a écrit que « ceux qui manipulent cet élément invisible de [la
démocratie moderne] constituent un gouvernement invisible représentant
la véritable force dirigeante de notre pays… Nous sommes gouvernés, nos
esprits sont façonnés, nos goûts créés, nos idées suggérées, en grande
partie par des gens dont nous n’avons jamais entendu parler… »

Le but de ce gouvernement invisible est de prendre possession de nous:
de notre conscience politique, de notre perception du monde, de notre
aptitude à penser indépendamment, de notre aptitude à séparer le vrai du
faux.

Il s’agit d’une forme de fascisme, un mot que nous avons raison
d’utiliser prudemment, préférant l’associer aux troubles du passé. Mais
un fascisme moderne insidieux est aujourd’hui le principal danger. Comme
dans les années 1930, d’énormes mensonges sont délivrés avec la
régularité d’un métronome. Les musulmans sont mauvais. Les fanatiques
saoudiens sont bons. Les fanatiques d’ISIS sont mauvais. La Russie est
toujours mauvaise. La Chine commence à le devenir. Bombarder la Syrie
est bon. Les banques corrompues sont bonnes. La dette corrompue est
bonne. La pauvreté est bonne. La guerre est normale.

Ceux qui remettent en cause ces vérités officielles, cet extrémisme,
sont jugés comme fous — jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’ils ne
l’étaient pas. La BBC fournit ce type de service gratuitement. Ne pas se
soumettre c’est se voir qualifier de « radical » — peu importe ce que
cela signifie.

La véritable dissidence devient exotique; et pourtant les dissidents
n’ont jamais été aussi importants. Le livre que je lance ce soir, « Le
dossier WikiLeaks », est un antidote au fascisme qui ne dit jamais son
nom. C’est un livre révolutionnaire, tout comme WikiLeaks est
révolutionnaire — dans la même veine que ce dont parlait Orwell dans la
citation que j’ai utilisée au début de ce texte. Car il explique que
nous n’avons pas à accepter ces mensonges quotidiens. Nous n’avons pas à
rester silencieux. Ou, comme l’a autrefois chanté Bob Marley : «
Emancipate yourself from mental slavery » (« Emancipez-vous de
l’esclavage mental »).

Dans l’introduction, Julian Assange explique que ce n’est jamais
suffisant de divulguer les secrets des grands pouvoirs: qu’il est
crucial de les comprendre, ainsi que de les replacer dans le contexte
actuel, et de les intégrer à la mémoire historique.

Tel est l’accomplissement remarquable de cette anthologie, qui se
réapproprie notre mémoire. Elle connecte les raisons et les crimes qui
ont entraîné tant de bouleversements humains, du Vietnam et de
l’Amérique Centrale, jusqu’au Moyen-Orient et à l’Europe de l’Est,
toujours au sein de la matrice d’un pouvoir vorace, celui des États-Unis.

Il y a actuellement une tentative États-unienne et européenne de
destruction du gouvernement Syrien. Le premier ministre David Cameron
semble en être particulièrement désireux. C’est ce même David Cameron
dont je me souviens comme d’ un homme mielleux lorsqu’il était en charge
des relations publiques pour les requins financiers d’une chaîne de
télévision privée britannique (Carlton Communication).

Cameron, Obama et le toujours plus obséquieux François Hollande veulent
détruire la dernière autorité multiculturelle restante en Syrie, une
action qui ouvrira certainement la voie aux fanatiques d’ISIS.

C’est, bien sûr, totalement démentiel, et l’immense mensonge qui
justifie cette démence c’est que cela serait pour soutenir les Syriens
qui se sont soulevés contre Bashar el-Assad lors du printemps arabe.
Comme le révèlent les dossiers WikiLeaks, la destruction de la Syrie est
un vieux projet des impérialistes cyniques qui date d’avant les
soulèvements du printemps arabe contre Assad.

Pour les dirigeants du monde, à Washington et en Europe, le véritable
crime de la Syrie n’est pas la nature oppressive de son gouvernement,
mais son indépendance du pouvoir États-unien et Israélien — tout comme
le véritable crime de l’Iran est son indépendance, et ainsi de suite
pour la Russie, et la Chine. Dans un monde détenu par les États-Unis,
l’indépendance est intolérable.

Ce livre révèle ces vérités, l’une après l’autre. La vérité sur une
guerre contre le terrorisme qui fut toujours une guerre du terrorisme ;
la vérité sur Guantanamo, la vérité sur l’Irak, l’Afghanistan, et
l’Amérique Latine.

De telles vérités n’ont jamais été aussi nécessaires. A quelques
honorables exceptions près, ceux des médias, soi-disant payés pour s’en
tenir aux faits, sont maintenant absorbés dans un système de propagande
qui ne relève plus du journalisme, mais de l’anti-journalisme. C’est
aussi vrai des libéraux et des respectables que de Murdoch. A moins
d’être prêt à surveiller et déconstruire chacune de leurs spécieuses
affirmations, les prétendues « actualités » sont devenues irregardables
et illisibles.

En lisant les dossiers WikiLeaks, je me suis souvenu des mots du défunt
Howard Zinn, qui faisait souvent référence à « un pouvoir que les
gouvernements ne peuvent supprimer ». Cela décrit WikiLeaks, et cela
décrit les véritables lanceurs d’alertes qui partagent leur courage.

Sur le plan personnel, je connais les gens de WikiLeaks depuis déjà
quelques temps. Qu’ils aient accompli ce qu’ils ont accompli dans des
circonstances ne relevant pas de leur choix est une source d’admiration
constante. Leur sauvetage d’Edward Snowden en est un bon exemple. Tout
comme lui, ils sont héroïques : rien de moins.

Le chapitre de Sarah Harrison, « Indexer l’Empire », décrit comment ses
camarades et elle ont mis en place une véritable bibliothèque publique
de la diplomatie US. Il y a plus de 2 millions de documents maintenant
accessibles à tous. « Notre ouvrage », écrit-elle, « est dédié à un
objectif : que l’histoire appartienne à tout le monde. » Lire ces mots
est exaltant, et cela témoigne de son propre courage.

Depuis le confinement d’une pièce de l’ambassade équatorienne à Londres,
le courage de Julian Assange est une réponse éloquente aux lâches qui
l’ont traîné dans la boue et au pouvoir sans scrupules qui cherche à
prendre sa revanche contre lui, et qui mène une guerre contre la démocratie.

Rien de tout cela n’a dissuadé Julian et ses camarades de WikiLeaks :
pas le moins du monde. Et ce n’est pas rien.

John Pilger

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Traduction: Nicolas Casaux
Original :
http://johnpilger.com/articles/the-revolutionary-act-of-telling-the-truth

-- 
Frédéric Lecointre
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