[PP-discussions] julia r. (nov 2015)

renc rencontres3 at gmail.com
Ven 27 Nov 12:01:32 CET 2015


Pour info

Parution aujourd'hui d'une itw par les jeunes fédéralistes de

Julia Reda

vendredi 27 novembre 2015, par Le Taurillon en Seine
<http://www.taurillon.org/_le-taurillon-en-seine_>

Son apparence ne laisse rien dévoiler de ses opinions. Tailleur classique
sombre, lunettes carrées strictes, Julia Reda n’a pas vraiment l’air d’une
corsaire de la politique. Et pourtant, chargée de rédiger un rapport
parlementaire sur la réforme du copyright (rapport adopté en juin dernier),
elle est devenue en quelques mois l’ennemie numéro un des ayant-droits,
notamment français. Seule élue du parti pirate au Parlement européen à 28
ans seulement, elle incarne un renouveau de la politique européenne.
Démocratie, terrorisme, Google et neutralité du net, entretien avec une
franc-tireuse à Bruxelles.
Auteurs

   - Le Taurillon en Seine
   <http://www.taurillon.org/_le-taurillon-en-seine_>

   Rédaction parisienne du Taurillon qui concocte régulièrement une édition
   papier locale diffusée dans la capitale.

À lire aussi :

   - De l’économie du partage au Sharewashing
   <http://www.taurillon.org/de-l-economie-du-partage-au-sharewashing>
   - Cinq raisons de défendre la liberté de panorama
   <http://www.taurillon.org/cinq-raisons-de-defendre-la-liberte-de-panorama>
   - Rapport Reda : Vers l’abolition de la soi-disant propriété
   intellectuelle en Europe ?
   <http://www.taurillon.org/rapport-reda-vers-l-abolition-de-la-soi-disant-propriete-intellectuelle-en>

Mots-clés

   - Culture <http://www.taurillon.org/+-Culture-+?lang=fr>
   - Internet <http://www.taurillon.org/+-Internet,120-+?lang=fr>
   - Numérique <http://www.taurillon.org/+-numerique-+?lang=fr>
   - Politique <http://www.taurillon.org/+-Politique-+?lang=fr>

Le Taurillon : Qu’est- ce qui vous a fait entrer en politique et pourquoi
avoir choisi le parti pirate ?

Julia Reda : J’ai toujours été active en politique. Au début, j’ai été
membre du SPD (le parti socialiste allemand). Mais j’ai rapidement été très
frustée par la manière avec laquelle on traitait les jeunes. On nous
mettait devant sur la scène pour faire beau, mais au fond, on n’avait pas
accès aux réelles décisions politiques. Une loi votée par le SPD sur le
blocage de l’internet m’a décidé à changer de camp et à opter
définitivement pour le parti pirate. Les partis pirates représentent une
nouvelle façon de faire de la politique, c’est cela ce qui m’a plu
immédiatement. Ce sont des partis qui ont vraiment compris le changement
civilisationnel que représentent les nouvelles technologies liées à
Internet. Internet est comparable en cela à la révolution industrielle,
cela concerne tous les secteurs de la société.

Le Taurillon : Le fondateur du parti pirate suédois, Rickard Falkvinge
s’est présenté au départ comme un « ultracapitaliste ». Que cela vous
inspire-t-il ?

Julia Reda : Vraiment ? Je n’étais pas au courant. Les partis pirates ont
été fondés au départ pour combattre le copyright et la surveillance des
citoyens par les Etats. Mais il est très réducteur de voir en eux des
partis ultra-capitalistes.

Nous voyons dans internet un catalyseur de nouvelles opportunités. On agit
en faveur de l’équité et de la justice sociale. Par contre, c’est vrai que
nous nous différencions de la gauche traditionnelle sur un point : nous ne
rejetons pas la mondialisation. Au contraire, nous voyons internet comme un
produit de la mondialisation. Ce que nous voulons c’est rendre la
mondialisation plus démocratique.

Le Taurillon : Le Parlement européen est-il une échelle pertinente pour les
questions qui vous intéressent ?

Julia Reda : Par définition, l’internet est global. Vouloir le réguler au
niveau national n’a aucun sens. Beaucoup de gens l’ignorent mais pour
réellement influencer les choses, il est nécessaire d’agir au niveau
européen. Comme le rejet du traité ACTA l’a montré (accord commercial
anti-contrefaçon rejeté par le Parlement européen en juillet 2012), le
Parlement européen peut parfois arriver à des résultats spectaculaires. La
raison principale c’est que les parlementaires européens sont plus libres
vis-à-vis de leur appareil partisan que leurs collègues nationaux et donc
ils disposent d’une plus grande autonomie pour agir. Mais le revers de la
médaille c’est que les partis politiques ne prennent pas le Parlement
européen au sérieux. En tout cas, c’est mon impression en Allemagne. On
manque parfois de l’expertise que peuvent apporter les grands partis.
L’autre problème est que les partis européens sont encore un assemblage de
partis nationaux et donc il n’y a pas de réelle démocratie européenne. Le
fait que le président de la Commission ait été élu au terme d’un
affrontement partisan en 2014 constitue un progrès mais on est encore loin
du compte.

Le Taurillon : Mais le Parlement dispose-t-il de de suffisamment
d’expertise pour traiter correctement des sujets très techniques pour le
copyright ou la gouvernance d’internet ?

Julia Reda : Tous les hommes et femmes politiques doivent être un peu
généralistes, c’est comme ça. Moi il se trouve que je suis dans une
position un peu plus favorable parce que mon électorat ne m’en voudra pas
si je ne me préoccupe pas de tous les sujets. Je me concentre sur les
sujets liés à l’Internet. Ceci dit, c’est vrai que l’on manque de staff et
d’informations. On dépend de ce fait de manière trop importante et
dangereuse des études produites par des lobbyistes.

Le Taurillon : Cet hiver Charlie Hebdo, aujourd’hui l’attentat manqué du
Thalys, l’Europe semble plus que jamais menacée par le terrorisme
international. Comment trouver un équilibre entre liberté et sécurité sur
internet ?

Julia Reda : Une première remarque à faire, c’est que l’internet est bien
moins libre qu’il y 10 ans. L’internet est plus surveillé. Il s’est surtout
centralisé autour de grandes compagnies, Facebook, Google qui de fait ont
un pouvoir sur l’architecture du réseau. Internet fonctionnait autrefois
davantage grâce aux universités.

Pour ce qui est du terrorisme, la régulation d’internet n’est pas la vraie
réponse. Les dernières attaques terroristes n’ont pas grand-chose à y voir.
Ce qu’il faut, c’est une politique sociale qui empêche la radicalisation.
Mais l’austérité en Europe réduit les budgets nécessaires à la conduite de
ces politiques.

Le Taurillon : Vous avez parlé de centralisation d’internet autour de
grandes sociétés, quelle est votre position sur la neutralité du net ?

Julia Reda : C’est quelque chose sur lequel il ne faut pas transiger. Il
faut garantir absolument la neutralité du net car le contenu doit être
indépendant de l’infrastructure. Il y a quelque temps, le Parlement
européen a voulu définir de façon précise le concept de neutralité du net
pour le protéger, sans exception. Mais sous la pression du Conseil (le
Conseil est la réunion des ministres d’un sujet donné - économie,
agriculture, culture par exemple. Dans l’Union, le Conseil est
co-législateur avec le Parlement), le nouveau compromis fait apparaître
beaucoup d’exceptions, justifiées d’ailleurs de manière absurde. Günther
Oettinger, le commissaire au numérique a par exemple expliqué dernièrement
que la neutralité du net pourrait être un problème pour les futures
voitures sans conducteur, qui devraient être prioritaires sur le réseau.
Mais cet argument est absurde : Il est évident que les Google cars ne
fonctionneront pas grâce à l’internet mais sur un réseau dédié. Le résultat
de tout cela est que l’on se retrouve avec une protection de la neutralité
plus faible qu’aux Etats-Unis.

Le Taurillon : Que vous inspire l’enquête menée par la Commission
européenne contre Google pour abus de position dominante ?

Julia Reda : Les enquêtes sur le terrain de la concurrence sont supposées
être menées de manière technique et indépendante des partis politiques.

Le Taurillon : Il y a pourtant bien sur des pressions politiques…

Julia Reda : Google est parfois critiqué pour de bonnes raisons : le niveau
de protection des données personnelles, l’optimisation fiscale. Mais aussi
pour de mauvaises raisons. Mon impression est qu’un certain nombre
d’entreprises du net européennes s’aperçoivent qu’elles n’arrivent pas à
monétiser internet aussi bien que Google. Elles cherchent donc des moyens
légaux pour affaiblir l’entreprise américaine. La fameuse Google tax
fournit un bon exemple en Allemagne. Il s’agit en réalité uniquement de
fournir une rente aux éditeurs de contenu aux dépens de Google.

Le Taurillon : Autre sujet, celui très classique de la démocratie en
Europe. L’Union européenne souffre-t-elle vraiment d’un déficit
démocratique ?

Julia Reda : Oui c’est tout à fait exact. La première chose, c’est le droit
d’initiative. Le Parlement n’a à l’heure actuelle pas le droit de proposer
des lois européennes. Seule la Commission peut le faire. Cela crée un
déficit d’attention de la part des média et du public. Les gens ont besoin
de voir du débat, des idées différentes s’opposer. Or la Commission est
censée être un organe purement technique. Forcément c’est ennuyeux à
regarder. D’autre part, du fait du monopole de la Commission sur le droit
d’initiative, les eurodéputés ne peuvent pas se présenter à une élection et
dire aux électeurs « je vais changer ceci ou cela ». Ils sont dépendants du
bon vouloir de la Commission. Et donc forcément cela remet en cause leur
légitimité. L’autre grand sujet c’est la zone euro. Il est nécessaire de
démocratiser le fonctionnement de l’Eurogroupe.

Le Taurillon : Quel lien avez-vous avec vos électeurs en Allemagne ?

Julia Reda : J’entretiens des liens grâce à internet. Lors de la rédaction
de mon rapport sur le copyright par exemple, certains amendements ont été
proposés par des internautes. Au final un amendement est resté dans la
version finale. Le réseau des partis pirates européens présent dans
quasiment tous les pays européens est aussi un bon moyen pour atteindre les
électeurs de base. Je donne également beaucoup d’informations sur mon site
internet. Elles sont traduites dans plusieurs langues européennes. Enfin
j’entretien des contacts réguliers avec des ONG et des think tanks comme la
Quadrature du Net en France.

Le Taurillon : Les partis pirates évoquent un concept de « démocratie
liquide » pour qualifier leur mode de fonctionnement. Pouvez-vous nous en
dire plus ?

Julia Reda : Le problème de la démocratie représentative est que la
décision échappe au citoyen. Dans une démocratie directe, les citoyens qui
disposent de plus de temps pour s’investir sont mieux représentés que les
autres. La démocratie liquide prend le meilleur des deux modèles. On élit
un représentant mais avec un mandat impératif : il est élu pour mener à
bien un programme précis. Il ne peut s’en écarter. Un certain nombre de
pays européens expérimentent la démocratie liquide, notamment grâce à un
logiciel, liquidfeedback. Mais une démocratie liquide européenne est
difficile à mettre en place : il n’existe pas de partis politiques
européens et la communication n’est pas toujours facile entre 28 Etats
parlant des langues différentes.
Vers une limite du copyright au rabais ?

Le Parlement européen a adopté le 19 juillet en séance plénière le rapport
Reda censé fixer les grandes lignes d’une réforme du copyrightpar la
Commission européenne attendue avant la fin de l’année. Présenté comme
explosif par une partie du monde de la culture, notamment en France, il a
pourtant été considérablement vidé de sa substance lors de son adoption par
la Commission des affaires juridiques du Parlement en juin.

Parmi les propositions écartées par les eurodéputés figure l’harmonisation
totale des exceptions et des limitations au droit d’auteur, comme le droit
de citation ou le droit au détournement par exemple. Les États membres
conserveront ainsi le droit de légiférer en fonction de leurs intérêts
culturels et économiques. Autre reculade, les eurodéputés ont choisi de
laisser inchangée à 70 ans après la mort de leur auteur - contre 50 dans la
version initiale du rapport - la durée de protection des œuvres culturelles.

Sur le geo-blocking - ces dispositions qui empêchent d’avoir accès à
certains contenus provenant d’autres Etats - le texte final reste là encore
en deçà de ce que l’on aurait pu espérer puisqu’il maintient le principe de
la territorialité de la protection des œuvres.

Pire encore, un amendement proposé par le député français Jean-Marie Cavada
a failli faire disparaître la liberté de panorama des exceptions au droit
d’auteur. Une telle disposition aurait rendu nécessaire l’accord des ayant
droits (des architectes notamment) pour toute photographie d’une œuvre
architecturale rendue publique. Une catastrophe pour des sites comme
Wikipédia par exemple dont les illustrations sont produites par des
amateurs. L’amendement a heureusement été supprimé lors du vote final en
plénière. Reste maintenant à voir ce que fera la Commission européennes de
ces recommandations.
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